L’économiste J.F. von Pfeiffer (1715-1787), un ardent anti-physiocrate, a dit : « Vous pouvez faire de l’être humain ce que vous voulez. La manière dont il sera gouverné dictera qu’il sera bon ou mauvais ».
Nul ne pense pour autant, que le monde soit binaire, et donc machinalement divisé en deux segments d’égale proportion ou presque où, par hasard et nécessité, se rangeraient les « bons » d’un côté et de l’autre les « mauvais ». Ce que cela suggère, par contre, c’est que l’humain, cet « animal social » dont a parlé Aristote (en fait le terme ‘social’ n’existait pas en grec, comme l’a signalé Arendt, ce qui fait que l’on doit lui substituer le terme ‘politique’, qui, lui, existait), est éminemment sujet à influence par son contexte et ses conditions de vie propre. Ses comportements sont contextualisés et circonstanciés.
En entreprise, les comportements des acteurs-preneurs à l’activité et aux affaires sont soumis au contexte du travail et aux conditions générales d’exécution de la tâche. Ce qui fait que l’humain, en instance d’emploi, est soumis aux politiques de gouvernance et de gérance de son entreprise. On peut donc affirmer, sans risque de délirer, que la culture organisationnelle est le reflet, par l’entremise du personnel, des comportements des acteurs soumis aux politiques de l’entreprise.
Ce qui ne suggère en rien, que toutes les décisions et tous les actes d’un chacun, dans l’entreprise, soient décidés par l’entreprise. Mais l’entreprise n’existe pas, sans son personnel, du moins sa culture organisationnelle comme telle. Les machines n’ont pas de comportements soumis à quelque culture organisationnelle que ce soit, et leur actionnement n’est pas le rendu de leurs décisions et de leurs actions propres (même les automatisées sont actionnées au départ par un humain ou par une autre machine).
Comme l’entreprise, en termes culturels, aura la prestance des comportements de ceux et de celles qu’elle comprendra, on tiendra pour acquis qu’elle module, par ses politiques de management, la condition de son personnel. Et donc, l’entreprise, en ces termes, sera à l’image de son personnel. Ou, si on inverse la proposition, on dira que son personnel sera à l’instar de ses politiques, « bon » ou « mauvais ». Ainsi, l’entreprise a le pouvoir, par le biais de ses politiques courantes d’organisation, d’agir sur les comportements de ses acteurs. Pourtant, ses acteurs, si l’on distingue entre dirigeants et personnel, n’ont pas tous le même pouvoir d’influer sur l’ordre des politiques de l’entreprise. En fait, les premiers décident des politiques de gouvernance et de gérance, alors que le second les subit. Il demeure, cependant, que l’on s’entende pour dire que la culture organisationnelle est le reflet des comportements de l’ensemble des acteurs dans l’entreprise.
Ne serait-il pas plus juste d’affirmer, que la culture organisationnelle, comme condition d’état général, est le reflet de la capacité d’être des dirigeants, puisque leurs décisions et leurs actes dictent l’ordre des comportements de l’ensemble du personnel de l’entreprise? Bien sûr, chacun doit être entendu comme l’auteur de ses décisions et de ses actes, qu’il s’agisse des dirigeants ou du personnel. Mais il convient tout autant de reconnaître, que les comportements sont des réactions à un contexte et à des conditions, et que ceux-ci influent sur eux au point de les obliger dans un sens ou dans l’autre le plus souvent.
Ce qu’il y a lieu de retenir de tout ceci, c’est que l’entreprise peut, si elle élit de le faire, influer grandement sur l’état d’être de son personnel, de sorte que sa culture organisationnelle en soit une propice à l’actualisation de ses acteurs. Malheureusement, la grande majorité des entreprises n’ont d’autre préoccupation que le résultat financier de leurs opérations, et se soucient peu du conditionnement socio-psychologique de leur personnel.
Paradoxalement, c’est l’état d’esprit au travail qui fera que les habiletés techniques du personnel contribueront au redressement du rendement sur l’activité et les affaires de l’entreprise.
Si l’entreprise-type se donnait la peine de faire l’expérience d’un meilleur contexte du travail et de meilleures conditions générales d’exécution de la tâche, en pourvoyant son personnel d’un meilleur cadre d’épanouissement culturel, grâce à de meilleures politiques de management de l’activité et des affaires, sans doute que « l’être humain » y œuvrant s’y sentirait « mieux gouverné et mieux géré ».
Chez vous, en entreprise, « chacun se sent gouverné et géré au mieux de sa capacité de réalisation personnelle », ou si « l’ensemble pense qu’il y aurait plus et mieux à tirer de l’engagement du personnel au travail par une meilleure gouvernance et une meilleure gérance »?