Cashman (2017) cite Peter Block (Stewardship, 2004) qui dit: « S’il n’y a pas transformation en chacun de nous d’abord, tous les changements structurels du monde n’auront pas d’impact positif sur nos institutions sociales ». James Lewis et Stu Crandell, de Korn Ferry, ont établi, à compter d’une étude menée auprès de 267 C-suite executifs, que les capacités les plus prégnantes chez les plus engagés d’entre eux étaient « la gestion de l’ambiguïté » et la « résilience personnelle ». En somme, les plus agiles, parmi les dirigeants de haut rang, dans tous les secteurs de l’entreprise, et donc jugés en termes d’efficience sur le rendu de leur tâche, à compter de leur taux d’engagement propre au travail, étaient plus en mesure de faire face à un monde VUCA/VICA (‘volatile’, ‘unpredictable’, ‘complex’, ‘ambiguous’; volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté) que les autres.
Le monde VICA a, de toute évidence, commandé un changement paradigmatique certain, au cours des dernières années, en matière d’entrepreneuriat et de management. D’ailleurs, le BNP Parisbas Global Entrepreneur Report 2016 fait état d’une étude réalisée par Scorpio Partners, laquelle réfère à ce phénomène en l’imputant à « l’émergence du Millientrepreneur ». La génération des 1980-1985, qui crée des entreprises 200 pourcents plus rapidement que ne l’a fait la génération des Baby Boomer au même âge. Le « millientrepreneur » est à la génération transformationnelle, ce que « l’entrepreneur conventionnel » était à la génération transactionnelle.
Et si « rien ne se crée » et que « rien ne se perd », selon Lavoisier, c’est bien parce que « tout se transforme ». Or, la transformation, autre que naturelle, est fatalement due à un tier d’intervention sur la matière transformée. Et, en management, ce qui doit se transformer en premier, pour que les modes, méthodes et pratiques de gestion de l’activité et des affaires changent, qui permettront d’innover sur les produits d’offre, ce sont les esprits derrière les propositions facilitant l’émergence de l’entreprise de L’AUTREMENT (Tardif, 2018). Cela dit, si la maîtrise du changement est impérative, dans un monde VICA, sans doute que les structures conventionnelles de fonctionnement interne de l’entreprise devraient être refondues parallèlement. Et donc, au lieu d’avoir un CEO (Chief Executive Officer), l’entreprise gagnerait peut-être à avoir à sa tête un CCO (Chief Change Officer).
Mais ce remplacement de dirigeant ne suffirait pas à transformer suffisamment le mindset de l’entreprise, pour lui permettre d’être ajustée aux conditions présentes de son monde de concurrence. CEO et CCO sont encore et toujours des fonctions transactionnelles, en ce qu’elles portent sur les dimensions mécanistes des opérations. Un CEO (Chief Engagement Officer) devrait, désormais, présider aux destinées de l’entreprise « VICA-adapted ». Parce que, comme l’ont établi, par leur formule simple mais combien vraie, Anderson et Anderson (2010), la performance à la tâche est le résultat des Habiletés techniques multipliées par l’État d’esprit au travail. Le levier, en l’occurrence, est de type organique, et non pas mécaniste, en ce qu’il porte sur la dimension humaine de l’activité et des affaires et non pas la structure fonctionnelle des opérations de l’entreprise. Autrement dit, l’entreprise n’est plus un chiffrier comptable à des fins d’enrichissement de l’actionnaire, mais un registre de services aux clients.
Chez vous, l’entreprise « se transformatise » par le service optimal aux clients, ou se « stigmatise » par le profit à l’actionnaire?