Yeoman (2014) cite Morris qui dit : « Rien ne devrait être fait par l’œuvre du travailleur qui ne mérite pas d’être fait; ou qui devant être accompli dégradera le travailleur ».
De fait, le travail ne peut retenir le sens requis à l’accomplissement de soi, dès lors qu’il supposera l’inféodation de la personne, la déformation de ses capacités, l’oblitération de ses potentialités ou l’interdiction de tirer avantage de ses opportunités d’action.
Tout être humain sensé veut pouvoir s’actualiser, et donc se réaliser pleinement, notamment à travers ce qu’il exécutera qui mette en valeur son talent propre. Le travail doit avoir, en lui-même, le sens nécessaire à son engagement résolu à faire valoir sa contribution personnelle aux choses de son entreprise.
Or, l’activité et les affaires de l’entreprise sont généralement déterminées, par la direction, en fonction d’un résultat financier d’exercice, plus que d’avantages socio-psychologiques aux acteurs impliqués dans leur exécution. Ce qui est un tort, puisque le rendement sur la ressource requise pour les rendre dépendra, lui, de l’engagement de la personne à l’élever par ses initiatives propres à la tâche.
Chacun admettra qu’un travail insignifiant ne peut susciter le degré d’investissement de la personne dans son accomplissement, puisqu’il entraînera la démobilisation au lieu de la motivation à l’exécuter de manière optimale. Et les plus avisés reconnaîtront que ce ne sont pas les facteurs d’hygiène au travail, comme le salaire, qui stimulent l’engagement à la tâche, mais les facteurs moteurs, comme la reconnaissance de la personne (Herzberg, 1959) qui le suscitent plus généralement.
Pourtant, la reconnaissance, qui n’est pas la bienveillance, ce que confondent allègrement tant et plus de gens, est mal vécue, parce que mal définie en entreprise. Elle concerne la contribution de la personne au résultat de l’activité et des affaires, en termes de valeur ajoutée. Or, la reconnaissance, comprise en ce sens, ne peut se limiter au simple processus d’évaluation technique du rendu du travail.
La véritable reconnaissance doit commencer par la qualité même de la tâche assignée. En somme, par le sens que cette dernière charriera, pour l’exécutant concerné. Sans quoi, on devrait évaluer un rendement sur le travail, à compter d’une tâche qui, en soi, condamnerait au désengagement la personne devant l’exécuter, parce que dépréciative de son talent au départ de son assignation.
Le sens de la tâche n’est pas non plus limité aux aspects immédiats du travail qu’elle suppose. La tâche s’inscrit dans un flux du travail, qui donne prise à l’activité ou aux affaires de l’entreprise. Le sens du travail suppose donc, au bout du compte, rien de moins que l’intelligence suffisante, par le personnel de tâche, de l’ensemble des fonctions de l’entreprise. Parce que l’engagement résolu au travail, pour tout intervenant sur la chaîne de valeur de cette dernière, n’est pas limité aux décisions et aux actes sur sa tâche immédiate, mais déterminé par l’utilité finale de l’activité et des affaires de l’entreprise à laquelle il participe.
En somme, c’est d’intelligence globale dont il s’agit, pour que le sens de la tâche emporte l’engagement requis au dépassement des obligations de mandat d’emploi de chacun, et non pas de compréhension partielle des fonctions de l’entreprise.
Les programmes d’insertion culturelle dans l’organisation, immédiatement après embauche, ne sont pas des moments de formation technique des nouveaux venus. Mais un temps d’exposition à l’identité propre de l’entreprise, par le truchement de ses vecteurs de personnalité. Alors, pourquoi, par la suite, le personnel serait-il tenu dans l’ignorance complète et permanente de tout ce qui concernera les fonctions autres que celles directement liées à sa tâche immédiate?
Chez vous, en entreprise, on « fait tout pour assurer le sens du travail », dans une perspective d’activité et d’affaires de l’entreprise, ou on « fait tout pour limiter le sens du travail à la tâche immédiate de chacun »?