Fairhurst et Grant (2010) estiment que « quand les leaders sont les agents porteurs de la symbolique, les followers cèdent leur droit putatif de créateurs de sens dans l’organisation aux termes de leur contrat avec celle-ci ». Or, les entreprises à plus forte culture organisationnelle, et à rendement supérieur sur l’activité et les affaires de surcroît, sont celles où la « création du sens est copartagée », par la « nomination des choses » et par le « vécu des valeurs » (Daly, 1973) entre la direction et le personnel.
Tourish (2013) note que « l’institutionnalisation de la participation dans le processus de prise de décisions » est rarement constatée même dans l’entreprise moderne. Un trop grand nombre d’entreprises misent, encore et toujours, sur « le discours monocorde » de leur premier dirigeant, s’imaginant que le management réussi se décline en « micro-processus de décisions », alors même qu’elles réclament, d’un même souffle, « l’adhésion aux valeurs de l’organisation » du personnel.
Or, le management n’est rien d’autre que la prise en charge de l’activité et des affaires de l’entreprise, par ceux et par celles qui les accompliront, dans une perspective d’économie sur la ressource engagée pour les réaliser. Ce qui, logiquement, suppose le « partage des actes et des décisions » avec le personnel, puisqu’ils sont l’expression affirmée du « sens de l’organisation » par mission servie d’entreprise. En somme, le management est et demeure, par définition et plus encore par destination, un « acte » découlant d’une « décision » supposant « l’interaction » entre la planification et l’exécution de l’activité et des affaires de l’entreprise. Et donc, le management est tout, sauf « l’auto-censure des décisions et des actes » (Fleming, 2012), que provoquera la « colonisation des esprits » du personnel par la direction de l’entreprise.
« La reconnaissance » (Herzberg, 1959) en entreprise serait le facteur moteur le plus puissant qui soit, au regard du besoin « d’actualisation de soi » (Maslow, 1943) du personnel. Or, nul ne peut s’accomplir pleinement, s’il est brimé dans l’expression de lui-même, à compter d’un processus qui l’empêcherait de mettre à contribution entière le talent pour lequel ses services auront été retenus par l’entreprise. Et c’est bien ce que l’entreprise-type fait, qui limite le pouvoir de décisions et d’actions du personnel, par son système de « décrets d’en haut » des formes d’expression du talent du personnel au travail.
Le travail, pour un rendu d’activité et d’affaires optimal dans l’entreprise, ne peut consister en une exécution aveugle des directives reçues de la part de la direction. L’innovation sur la tâche, qu’emporte le travail à valeur ajoutée de la personne, et ce qu’impose l’ajustement immédiat de l’offre face aux fluctuations de la demande dans le marché, dicte qu’il y ait « redéfinition permanente de l’organisation du travail » (Fleming, 2012) dans l’entreprise. Et pour que cette redéfinition ait un « sens approprié pour le personnel », encore faut-il que ce dernier y ait pris une part directe (Michealson, 2013; Chalofsky, 2003; Lips-Wiersma et Morris, 2009).
Le « sens des choses » est toujours mieux compris et respecté, dans l’entreprise, quand il a fait l’objet d’une « délibération d’autorité » (Alvesson et Spicer, 2012) entre ceux et celles qui en seront, à travers leurs mandats d’emploi, les premiers interprètes et les vrais porteurs de son aboutissement normal.
En somme, s’il est un « leadership en management » de l’activité et des affaires attendu de la part des dirigeants de l’entreprise, il doit également être un « leadership en exécution » de la tâche attendue du personnel, pour les assurer. Parce que la mission ne peut s’assumer pleinement, que s’il y a eu « pouvoir d’influence » (Lukes, 2005), sur ces deux volets du service au marché que constituent la direction et l’exécution, par ceux et par celles qui assumeront ces mêmes fonctions dans l’entreprise.
S’il existe des « agents porteurs de la symbolique » du management pour l’environnement externe, il existe aussi des « agents porteurs de la symbolique » du travail pour l’environnement interne dans l’entreprise. Et donc, il doit y avoir des « followers de sens dans l’organisation », pour les dirigeants comme pour le personnel.