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Prédominance du comment sur le pourquoi

Bronner (2021), parlant de Thalès de Milet et d’Aristote, dont le premier fut fondateur de la philosophie des “physiciens” ou “physiologues”, rappelle que pour eux, “il fallait chercher des causes naturelles aux choses plutôt que des explications surnaturelles par le biais des mythes”. Il relate ce que Jean Brun (1989) soulignait à propos de Thalès: “(il) a peut-être eu le mérite… de ne pas se demander ce qui était avant ce qui est, mais de chercher de quoi le monde est fait”. Bronner conclut: “À travers cette remarque, on voit se faire jour la prédominance du ‘comment’ sur le ‘pourquoi’.”

En entreprise, de nos jours, tout tourne ou presque autour du “comment” de l’activité et des affaires, sans que l’ensemble des acteurs ne s’interrogent longuement sur le “pourquoi” des choses qu’elle fait. Les voies et les moyens de l’activité et des affaires priment sur la fin de l’entreprise, et le “comment” du profit prend le pas sur le “pourquoi” du service au marché. De cette démarche découle, faut-il s’en étonner, les travers imputables aux relations bâclées entre les personnes, personnel et client, qui instituent de l’insatisfaction à longueur de cycle de vie des entreprises dans leur rapport avec l’humain. Nul besoin de chercher d’hier à demain, pour relever des taux d’insatisfaction élevés; il n’est qu’à prendre acte du taux d’engagement moyen au travail des employés, depuis trente ans (Gallup), de par le monde. Et si deux et deux font quatre, alors un employé insatisfait au travail fait un client insatisfait au service, puisque le comportement de l’un est le complément de réaction de l’autre, en termes d’offre et de demande. Bien sûr, le client finira par combler son besoin auprès de quelqu’un, mais au risque de chercher longtemps à le satisfera de manière optimale.

La logique économique du service au marché de l’entreprise tient de celle sociale du confort recherché par le demandeur, auprès de l’offrant. Sans prochain client, il n’existera plus, sur le moyen terme, d’entreprise. Et le profit sur transactions n’assure pas l’extinction de la mission de l’entreprise, mais seulement la relance possible de son processus de production, pour assurer la pérennité de son service au marché. En somme, la mission n’est jamais terminée, mais en attente perpétuelle d’accomplissement, par la création (satisfaction) du prochain client (Drucker, 1954). Dans la foulée de ce qui précède, ce n’est pas le “comment” de l’offre qui doit retenir l’attention de l’entreprise, mais le “pourquoi” de la demande du client. Conséquemment, en termes de processus interne de réponse au marché, l’entreprise doit se soucier du “pourquoi” des besoins d’actualisation de son personnel, celui qui doit servir au mieux le client, avant de clencher tête baissée vers le “comment” de la valeur ajoutée à son actionnaire.

Le temps du “pourquoi” innover davantage en management est arrivé, et l’heure du seul “comment” profiter des autres a cessé de marquer la priorité de l’entreprise.