Tirrell (1993) souligne que « notre habileté à générer de la valeur dépend de nos communautés de membership, parce que nos actions passées et celles des autres y auront assuré la structure de signifiance ». De fait, en entreprise, nous dépendons tous de ce que nos communautés d’appartenance respectives (unités de travail propres) pourront dégager de « sens », qui nous permettra de situer nos rapports individuels avec l’activité et les affaires qui la caractériseront.
L’entreprise, comme organisation, est avant tout un lieu de « sens » partagé par des personnes, avant d’être un instrument de service au marché. Ce sont l’activité et les affaires, du moins le « sens qui s’en dégagera » pour chacun des assignés à mandat d’emploi au sein de l’entreprise, qui infléchiront dans un sens ou dans l’autre les relations dans les communautés de pratique que cette dernière comprendra. Et plus l’activité et les affaires de l’entreprise généreront du potentiel d’actualisation de soi pour chacun des concernés pris individuellement, plus le « sens du travail » aura une portée de signifiance élevée pour l’ensemble pris collectivement.
L’entreprise, comme système économique, donc de service au client, dépend de son organisation sociale, donc de son personnel de réponse à la demande de ce dernier. Il importera donc, que la direction soit éminemment attentive aux besoins d’actualisation des personnes assignées à mandat d’emploi dans l’entreprise, si le travail, accompli au sein de leurs communautés de pratique, doit être générateur du « sens » requis pour que ces premières s’engagent résolument à la tâche.
En somme, l’entreprise doit faciliter le « sens de l’appartenance » à l’organisation, par sa culture, tout comme l’activité et les affaires de l’entreprise doivent être porteuses du « sens de l’engagement » à la tâche, par son climat de travail. Et donc, le contexte du travail et les conditions générales d’exécution de la tâche sont indispensablement liés dans la gestion globale du travail dans l’entreprise.
Le problème, dans la majorité des entreprises, c’est que le lien entre le contexte et les conditions est mal assuré. La culture est prise pour acquise, alors que le climat du travail est ignoré comme facteur de « sens » implicite d’engagement à la tâche pour le personnel. Quant aux indicateurs de mesure de la performance au travail, ils sont d’ordinaire axés sur le produit de l’activité et des affaires de l’entreprise, au lieu de l’être sur les éléments de contexte et les conditions du travail. Or, « l’habileté (de chacun) à générer de la valeur » dépendra des « communautés de membership » auxquelles il sera associé dans l’entreprise, parce que celles-ci seront, comme telles, des « structures de signifiance », par le « sens du travail » qui s’en dégagera, pour le personnel qu’elles comprendront.
Étrangement, les entreprises se targuent d’avoir publié des énoncés de vision, de mission et de valeurs, sans nécessairement avoir pris conscience qu’il s’agissait-là de vecteurs de valeurs sociales associées à l’engagement de l’organisation envers les autres. Par contre, elles se sont vite rattrapées, en adoptant des indicateurs de mesure de la performance au travail, vecteurs de valeur économique associée à l’engagement envers elle-même. C’est tout comme si l’entreprise, comme système intégré, tentait de réconcilier deux régimes de « communautés de membership », celles du personnel et celles de l’actionnaire, dont les intérêts s’opposeraient au terme de son activité et de ses affaires.
L’actionnaire profite du personnel, et le personnel subit l’actionnaire, alors que, en principe, l’économie du système, qu’est l’entreprise, commanderait que les intérêts des deux soient complémentaires. Non pas complémentaires comme une chaîne de priorités, qui déclasserait l’un par rapport à l’autre, mais comme un partage d’équité qui tiendrait compte de l’apport de chacun au résultat d’exercice et à la performance sur cycle de vie. Chez vous, en entreprise, on « favorise le développement de communautés de membership à valeur ajoutée et répartie », ou on « privilégie la communauté des actionnaires au détriment de la communauté du personnel »?