Bronner (2021) relève que “Tout ces éléments (les innovations qu’a connu l’humain depuis 12 000 ans), qui coexistent et dessinent le début de la rationalisation du monde, ont eu pour conséquence involontaire mais fondamentale de libérer du temps de cerveau. Ce temps libéré a constitué une sorte de trésor de guerre additionnelle dans lequel, l’humanité, tout au long de son histoire, a puisé ses ressources, ses innovations, son art et, d’une façon générale, son exploration des mondes possibles”. Il ajoute: “On pourrait dire qu’il (Homo sapiens) augmenté la productivité de son temps de survie, dégageant une plus-value qui se mesure en temps libéré”.
En management de l’activité et des affaires, on pourrait également dire que Homo economicus, surtout depuis qu’il a mis en service une floppée de “machines pensantes”, a pu libérer du temps de retour sur lui-même et sur sa condition de production. Or, l’entreprise qui l’emploie (en fait la direction qui l’oblige), au lieu d’user de ce temps libéré comme d’un levier d’extraction de la potentialité augmentée de l’humain “d’explorer des mondes possibles”, s’est fait fort de réquisitionner celui-ci en imposant au personnel des rythmes accélérés de production et des quotas supplémentaires de tâche. Le résultat, c’est que des rendements décroissants sont dégagés, sur le temps d’emploi courant du personnel, alors que des rendements croissants sur le temps futur de production de celui-ci aurait pu être ajouté par des innovations additionnelles venant de sa part.
L’humain, comme les systèmes mécaniques, est plus productif en début qu’en fin de cycle d’usage de ses capacités. Il s’use, et produit moins, comme il peut s’épargner et produire mieux. Tout est dans l’innovation des modes, méthodes et pratiques de gestion des activités et des affaires de l’entreprise auxquelles il participe. En somme, le temps libéré, par l’innovation, à tels égards, sera plus rentablement utilisé, s’il suscite plus d’initiatives résultant en compression additionnelle du cycle de production du personnel, que s’il contribue à allonger ce dernier dû à la fatigue des humains et des systèmes engagés dans l’activité et les affaires de l’entreprise.
Or, la majorité des entreprises ont mis au point (et en service) une batterie démentiellement lourde d’indicateurs de mesure de la performance à la tâche, qui, au lieu de permettre la restauration du capital d’intelligence créative du personnel, épuise inexorablement la capacité de renouvellement de l’humain en matière d’initiatives nouvelles sur la tâche. Bien sûr, il existe des exceptions. Des entreprises qui mettent à la disposition de leur personnel un ensemble de dispositifs de régénération de son capital créatif, comme des salles de repos (sieste), d’exercice (gym) ou de socialisation (cafétéria). La recherche a démontré, que l’esprit libéré est plus centré par la suite sur l’objet de son attention, que le cerveau fixé impérativement sur la tâche sans possibilité de souffler.