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Même discours, à gauche et à droite, un goût différent

Foroohar (2016) démontre, de manière percutante, que nombre d’idées parfaitement fausses circulent, qui polluent le discours sous tous ses rapports ou presque en ce qui concerne l’économie, les taxes, l’emploi et l’investissement productif aux États-Unis (ce qui s’appliquera, avec peu de variations, à une majorité de pays dits développés).

L’un des mythes les plus ancrés, dans l’imaginaire populaire, et très certainement aux États-Unis, veut que les « capitalistes » (les riches) aient besoin d’allégements fiscaux répétés pour investir et créer des emplois. À défaut de quoi, l’économie ne croîtra pas, du moins à un rythme satisfaisant. Or, l’argent des « investisseurs » demeure, en quasi-totalité, dans le circuit financier, et avive la spéculation boursière, au lieu d’être investi dans l’appareil de production industrielle. Ce qui ne crée pas d’emplois, sauf ceux très marginaux des « takers ». Les riches ne sont plus des « makers ». Or, ce sont les derniers qui font tourner l’économie, et donc qui créent des emplois, par leur demande de consommation soutenue par leur revenu d’emploi. Les premiers sont des profiteurs de système, rien de plus. Comme l’a dit Warren Buffett (2016), « le taux de taxes a peu à voir avec l’esprit animal des capitalistes et encore moins avec leurs investissements en économie ».

Aux États-Unis, les taxes sur les entreprises représentaient, dans la période d’après-guerre (1945) 4 % du PIB. Aujourd’hui, elles ne comptent plus que pour 2 %. Les investissements n’ont pas fui les États-Unis, durant les années 1970, quand le taux d’imposition sur le gain en capital était de 40%. Et un fort taux de taxation n’affecte pas la création d’emplois. De fait, entre 1980 et 2000, 40 millions d’emplois nouveaux ont été créés aux États-Unis. Par contre, lorsque George W. Bush, entre 2001 et 2003, a massivement baissé le taux de taxation des riches, la croissance économique et la création d’emplois ont stagné.

In The Road to Recovery (2013), Smithers note que la chute de la productivité est corrélée avec la montée fulgurante des stock-options et de la rémunération démentiellement exagérée des dirigeants d’entreprise. Dans les années 1970, les entreprises américaines réinjectaient 15 fois plus dans leur production qu’elles ne retournaient à leurs actionnaires. Aujourd’hui, ce ratio est sous la barre de 2. En somme, les dirigeants d’entreprise, dont la rémunération est principalement composée de stock-options et d’actions, sacrifient l’investissement à long terme dans l’appareil de production pour encaisser plus de rémunération personnelle. En 2015, l’Office of Financial Research, qui a mandat de surveiller la stabilité financière des marchés, relevait que la valeur des actions avait triplée au cours des toutes dernières années, alors même que la croissance de l’économie et la croissance des salaires demeuraient faibles. Or, pendant que les profits des entreprises augmentent, leurs ventes sont stables. Le prix des actions des entreprises n’augmente pas à cause d’améliorations notoires des fondamentaux de l’économie, mais parce que des pratiques toxiques existent en matière de rémunération de dirigeants, de réduction d’investissements et de rachat d’actions par les entreprises.

L’économie américaine est sur-financiarisée (comme le devient celle des autres pays de l’OCDE), ce qui nuit à la croissance économique, et donc à la création d’emplois et à la répartition de la richesse entre tous. Le régime fiscal, surtout aux États-Unis, avantage l’endettement des entreprises, au lieu de l’investissement dans leur système de production. Le niveau d’endettement des entreprises américaines est passé de $5,7 trillions en 2006 à $7,4 trillions en 2016. Or, la majeure partie de cette dette a servi au rachat d’actions par les entreprises, au versement de dividendes aux actionnaires et aux fusions et acquisitions d’entreprise, et non pas au renouvellement de leur capacité de production et encore moins à leur capacité de création d’emplois. L’endettement est toujours lié à l’insécurité financière. Ce qui devrait donner à entendre, que la prochaine crise sera financière, encore une fois. Or, le taux d’endettement des gouvernements, comme le taux d’endettement des particuliers, notamment aux États-Unis, est si élevé, que la prochaine crise financière ne pourra être épongé par un deuxième TARP (Troubled Asset Relief Program – Bush/Obama). Les Too Big to Fail de 2008-2009 sont aujourd’hui, pas moins que 10 fois plus gros et endettés comme jamais.

Le temps est venu de se réveiller collectivement, et de réagir puissamment, pour que les gouvernements et les entreprises cessent de profiter indûment de la masse des gens pour n’avantager qu’une poignée de privilégiés de leur fabrication.

Le système économique, le régime fiscal, l’emploi et la répartition de la richesse doivent profiter plus largement à la majorité de la population, qui, par son travail, et surtout par ses impôts, a permis aux entreprises de se développer et de croître. Sans ressources naturelles, sans infrastructures de communication et de transport, sans système d’éducation et sans système de santé nationaux, et sans soutien sous de multiples formes à la recherche et au développement de leurs technologies provenant des gouvernements, les entreprises n’auraient rien fait d’exceptionnel par elles-mêmes pas plus hier qu’aujourd’hui ou demain.

Si seulement les gens se donnaient la peine de lire, pour comprendre, et d’agir avec leur tête, au lieu de s’amuser sur leur iPhone ou de s’avachir devant Netflix, alors que les autres se paient leur tête à longueur de vie, sans doute que le monde irait mieux pour plus de gens. Mais voilà, cela coûte en effort, et le commun des mortels a horreur de l’effort, surtout intellectuel. Les gouvernements et les entreprises sont des créations d’humains. Sans doute que les humains peuvent les repenser de meilleure manière. Et le plus vite sera le mieux. La prochaine crise financière pourrait être fatale. La masse des gens ne s’est pas encore remise de la crise de 2008-2009, plus de 13 ans plus tard. Combien de temps faudra-t-il pour se remettre collectivement de la prochaine crise : 75 ans?         

(Le présent post est très exactement le même que celui publié le même jour, accompagné cette fois d’une image différente. À titre de test, pour voir si les Linkednautes sont « d’images » ou « de contenu ».)