Le Texier (2022) note que, “Ce que vendent en masse les consultants, c’est le principe même du changement, c’est l’idée que le changement est bon, et qu’il faut l’accueil comme un don du ciel quand il survient et tout faire pour le provoquer quand il ne survient pas”. Il ajoute que, “Décliner à l’Infini, cette variation sur le thème de l’organisation comme mutabilité institutionnalisée a fait du changement une obstination des cadres contemporains et du management une ‘science de l’innovation’. C’est tout à l’avantage des consultants qui vendent des “projets de réforme en kit”, mais c’est généralement absurde pour les dirigeants et les employés qui devraient être obsédés, bien plutôt, par la conservation et la stabilité”.
En fait, le changement est imparable, par nature. Tout finit par se transformer, naturellement ou par l’intervention de l’humain. Et, en économie de marché, dès lors que l’offre alternative prolifère, les entreprises qui la suscitent, pour créer le prochain client (elles-mêmes, au lieu de leurs concurrentes), vont proposer des biens et des services améliorés (changés). C’est donc la dynamique de l’innovation que cela entraîne, dans le marché, qui oblige, à des fins de survie, les entreprises à changer. Mais la question de fond, soulevée par Le Texier, demeure. Les entreprises doivent-elles souscrire à l’aveuglette, aux propositions des consultants, qui leur vendent “le principe même du changement”. Étrangement, la réponse est oui. Ce qu’elles doivent éviter, par contre, c’est de tomber tête baissée dans leurs pseudo “projets de réforme en kit”. Les “solutions” toutes faites, qui, en apparence, sont des “potions magiques”, qui auraient l’avantage de répondre, par des formules à l’identique, aux situations particulières d’entreprises différentes, peu importe leur historique et leur secteur d’activité et d’affaires.
Le pire, serait d’imaginer qu’une entreprise puisse tenir le coup longtemps, et donc servir sa mission implicite d’optimisation du service au marché, sans changer son modèle d’affaires (stratégies de positionnement et structures de fonctionnement). Le mieux, par contre, sera d’imaginer qu’une entreprise définisse, par et pour elle-même, son “identité propre” (L’Intelligification de l’entreprise: ou l’humain comme centre de l’attention, 2018). “La théorie de l’identité propre suppose, de la part des acteurs-preneurs à l’activité de l’entreprise, une compréhension profonde du besoin qu’elle a d’être authentiquement différente dans son offre de même que comme offrant, si elle veut satisfaire la condition de création d’un client avant la concurrence. Ce n’est pas le « first-to-market », qui permet à l’entreprise de s’imposer comme intervenant durable dans le marché, mais la spécificité d’être et d’offrir face à la concurrence.”
Le “changement” est un impératif de marché. Le “kit” est un piège de gestion du changement. La malheur, c’est que la majorité des entreprises veulent changer… tout en adoptant le kit des autres!