Bowles (1998) signale que « les préférences découlant d’un jeu de circonstances donné sont généralement des motifs de comportement à venir ».
De fait, l’entreprise, comme système social, engendre des comportements spécifiques dus au contexte du travail et aux conditions d’exercice de la tâche qui conditionnent ces premiers. Ce sont là les « circonstances », pour ainsi dire, d’évolution des préférences de comportement du personnel, parce qu’elles façonnent l’état d’être général des acteurs dans l’entreprise. Ce qu’il est convenu d’appeler la culture organisationnelle, à laquelle tente de s’ajuster chacun des acteurs, pour participer d’une même logique d’insertion sociale dans le milieu de réalisation de soi qu’est l’entreprise.
Et, ce faisant, lesdites « circonstances », vécues en commun par le corps d’état qu’est l’entreprise, agissent, directement et indirectement, sur les actes que chacun peut poser. Ce qui imprime un sens donné à la démarche d’affirmation culturelle de l’organisation. Partant, à la « communauté d’identité » (Connelly, 1995) à laquelle chacun des acteurs, dans l’entreprise, tente de s’identifier, pour éviter de se marginaliser lui-même jusqu’au point du rejet social de soi par les autres membres du groupe.
Tous les acteurs, dans l’entreprise, veulent s’actualiser, donc s’accomplir pleinement, mais ne peuvent le faire que dans les limites du raisonnablement acceptable par leur milieu de réalisation. S’il existe des courants culturels différents, dans différentes parties de l’organisation sociale qu’est l’entreprise d’appartenance, il doit exister au sein de celle-ci « plus de points de convergence que de divergence » (Allen, 2006), pour que l’ensemble dégage le résultat économique d’opération qui justifiera sa raison d’agir en commun dans la continuité.
Ce qui suppose, que les « préférences » doivent être modulées, en fonction de « circonstances » interprétées par chacun de manière conciliable avec l’intérêt général des autres dans l’entreprise. Il découle de cela des comportements adaptés au besoin de cohésion sociale dans l’ensemble organisationnel qu’est l’entreprise, ce qui est l’indice d’une lecture raccordée des valeurs de vie par chacun en son sein. Ainsi, les « motifs de comportement à venir » de chacun, sans être complètement prédéterminés, sont contenus de quelque manière par l’interprétation des mêmes « circonstances » par l’ensemble des acteurs dans l’entreprise.
Les valeurs sociales de vie en entreprise ne peuvent mener à des « comportements » erratiques de la part de chacun, sans qu’en souffre de façon irréparable l’entreprise comme corps d’action productif. L’entreprise, qui est et demeure un lieu social d’exercice de la faculté d’expression de chacun, ne peut être à la fois une foire d’empoigne pour tous et réussir son pari d’espace-temps d’actualisation de ses acteurs. Il doit y avoir une concordance des « comportements » des acteurs-preneurs à l’activité et aux affaires, pour que la fin de l’entreprise s’accomplisse dans une perspective d’économie de service au client.
Ce qui imposera une cohérence dans l’état d’être général de l’entreprise, comme lieu social d’actualisation de soi pour son personnel, et une cohésion dans l’usage des moyens de son activité et de ses affaires. Et donc, une obligation morale de raccordement des « comportements » susceptibles d’y mener, pour tous ses acteurs. D’où l’importance très nette de concordance avérée, dans l’interprétation des « circonstances » de l’organisation, par l’ensemble des acteurs dans l’entreprise.
L’entreprise est sans doute un lieu de réalisation de soi pour chacun, mais elle ne le devient que si l’ensemble peut normalement s’y accomplir.
Chez vous, en entreprise, « les circonstances » sont-elles interprétées dans la foulée d’un besoin d’intégration sociale des personnes, ou « les circonstances » y sont-elles sources de désintégration sociale, parce qu’elles ne suscitent pas les comportements requis au resserrement culturel qui fait « l’organisation humanisée » (Tardif, 2018)?