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Les mathématiques, comme telles, sont incapables de dire quoi que ce soit à propos… des choses du réel

Einstein (Geometrie und Erfahrung, in Mein Weltbild, 1970) a dit ceci: « Les mathématiques, comme telles, sont incapables de dire quoi que ce soit à propos… des choses du réel ». Et il avait pris soin de préciser : « Dans la mesure où les énoncés mathématiques réfèrent à la réalité, ils sont incertains, et dans la mesure où ils sont certains, ils ne réfèrent pas à la réalité ».

Pour sa part, Wittgenstein (Heath, 1974) avait remarqué que « Toutes les propositions mathématiques veulent dire la même chose : rien. » Une fois qu’une seule variable mathématique, algébrique ou statistique aura été introduite dans une proposition, alors les vannes seront toutes grandes ouvertes pour la définition, la représentation et la conception des problèmes en formulations abstraites (en figures de l’esprit).

Parce « qu’il n’existe aucune position qui tienne, en dehors du monde de l’expérience de la réalité duquel faire naître un quelconque objet » (Gadamer, 1990). On ne peut reproduire (faire émerger) la réalité par les symboles. La réalité, la nature en d’autres termes, ne peut subir de préjudices, dans sa plénitude d’être, du défaut de son expérience. Or, les mathématiques sont des fabrications « hors réalité », parce qu’elles émargent au monde que cette dernière constitue.

En somme, les mathématiques n’encapsulent pas la réalité, par les constructions qui la représentent, quelle qu’élaborée que soit leur succession pour l’exprimer justement. Et ce, bien qu’elles aient fonction de fournir un support de représentation, par facteurs de composition, à la condition que ses auteurs auront eu de telle réalité.

La vraie science ne réside pas dans les interstices des formules mathématiques, mais dans la connexion des faits, tels que la réalité les rend. Ce qui fait que le savoir utile est empirique (inductif), et non méthodique (déductif). Or, s’il est des domaines où le manque de réalisme prévaut, parce que tout ou presque y est apprécié en représentations mathématiques, ce sont ceux de l’économie et du management de l’entreprise. Au lieu de chercher les connexions entre les faits, pour les comprendre en termes de vie utile, les situations économiques et managériales sont mathématisées pour être « expliquées ».

Ce qui fait que chacun attribue une importance démesurée aux chiffres, au lieu des personnes qui logent derrière la réalité des événements qui devraient retenir l’attention première des économistes et des managers. Parce que les faits de la vie, et donc les représentations de la réalité que leurs connexions autorisent, n’ont d’utilité finale qu’en termes humains et sociaux. L’humain, en société comme en organisation, devrait avoir droit à des récits d’événements, par la connexion des faits en tissant le déroulement, plus qu’à des résumés de compilation statistique, pour comprendre la vraie nature de la réalité qu’on voudra lui expliquer.

Le problème, c’est que l’humain éprouve une folle difficulté à traiter des choses de l’humain. Il trouve, généralement, plus aisé de se réfugier derrière des masses de figurations éthérées, pour justifier son mal à comprendre en termes de vie concrète sa propre réalité. Et donc, il préfère impressionner pas son savoir de quantification, plus qu’il n’entend réaliser sa propre nature en savoir de qualification. Il n’exprime pas sa réalité par le rappel de ses faits, mais dispose d’elle en lui substituant des formules mathématiques « incapables de dire quoi que ce soit des choses du réel ».

En économie comme en entreprise, l’humain finit par vivre dans l’abstraction de sa juste réalité, et par penser qu’il aura mieux connecté avec lui-même en jonglant avec des formules impropres à traduire les choses de sa vie.

Chez vous, en entreprise, « on mathématise, algébrise et statistifie sa réalité croyant en saisir la justesse ce faisant », ou « on humanise sa réalité en connectant les faits qu’elle comprendra pour les rendre intelligibles en soi »?