McMahon (1994) note que « les instructions d’un supérieur ont la force d’ordres qui ont pour effet de priver le personnel de son propre jugement sur la manière d’user de son temps de travail ».
Dans un environnement de travail libéré, où l’appel à l’intelligence et au jugement des acteurs prime sur les directives des supérieurs visant l’accomplissement de la tâche, le personnel participe plus volontiers à l’innovation au travail.
Il n’est pas besoin de forces coercitives pour assurer le rendement sur l’activité et les affaires de l’entreprise. En d’autres mots, il n’est pas utile d’intervenir par le commandement, pour obtenir l’engagement à la tâche du personnel. Parce que l’absence « d’interférence arbitraire » et donc « d’imposition de volonté tierce » (Alexander, 2008), sur les voies et moyens de la tâche, libère pour le personnel l’espace requis pour qu’il puisse se dépasser par l’exécution de son travail. En quelque sorte, dans pareil environnement, le personnel a la possibilité de mettre à pleine contribution son talent au travail.
Dans un contexte d’ordres, que caractérise le recours d’indicateurs multiples de mesure des décisions et des actes, le personnel se sent contraint à la conformité plus qu’il ne se sent poussé à l’initiative. Or, il a été embauché, et promu, sur la base de sa capacité à exécuter la tâche assignée, ce qui supposait de disposer du jugement requis pour adapter les voies et les moyens de son exécution en tenant compte des impératifs du moment. Et parce que la tâche assignée, qui s’inscrit dans un flux de travail impliquant plusieurs intervenants, généralement successifs, ne peut être circonscrite parfaitement au départ des mandats d’emploi, des situations se présenteront lors de son accomplissement qui exigeront des changements dans son traitement. Et ce sont ces changements du moment qui assureront à l’activité et aux affaires de l’entreprise sa valeur de service au client éventuel.
Or, la mission implicite de l’entreprise consiste à créer (satisfaire la demande) le client, et ce de manière optimale, puisque ce dernier aura toujours l’option de décliner l’offre de celle-ci voire de préférer celle d’une concurrente de marché.
La libération des esprits, par la décentralisation du pouvoir de décisions sur le travail, en entreprise, n’est pas une fantaisie de consultant en management, mais bel et bien une condition sine qua non d’optimisation du résultat sur la tâche entre les mains du personnel.
Le personnel n’entre pas en fonction uniquement pour profiter de l’entreprise. D’ordinaire, il occupe un poste et accomplit un mandat d’emploi en vue de mettre à contribution son talent, par l’intelligence de ses voies et moyens propres d’exécution de la tâche. Se répéter inlassablement, par la reprise incessante d’actes strictement normés, ne constitue pas pour lui une assurance d’actualisation de soi. Or, l’humain a prétention de pouvoir contribuer au résultat supérieur des choses, par l’amélioration de leurs voies et moyens d’exécution. En somme, il veut ajouter de l’intelligence personnelle aux mandats d’activité et d’affaires qu’on lui confie, et non pas s’en ternir éternellement à reprendre comme une machine dénuée de « sens de soi » de mêmes actes. Ce qui fait que « les instructions d’un supérieur » lui apparaîtront vite comme un empiètement sur son jugement professionnel à assumer ses mandats d’emploi.
Chez vous, en entreprise, la direction ou la supervision « décide de la tâche sous tous ses rapports », ou l’entreprise « fait confiance au jugement du personnel pour ajouter de la valeur à son activité et à ses affaires par ses initiatives propres »?