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Les humains ont toujours usé d’ingénieux moyens pour fuir leur réalité

Cashman (2017) cite John Gardner qui dit que “Les humains ont toujours usé d’ingénieux moyens pour fuir leur réalité. Ils savent être occupés à faire diversion, centrer leur attention sur l’ailleurs, diversifier leurs relations avec les autres, mais n’ont pas de temps à consacrer à la quête du mieux ou du pire d’eux-mêmes.” Or, pour faire face aux distractions de la vie, il faut le courage d’explorer plus résolument son for intérieur. Y retrouver le sens de soi, par passé évalué, et par détermination d’avancement sur sa condition courante. En somme, il faut se rendre conscient de son authenticité d’état, pour avancer plus sûrement sur la voie de son évolution d’être comme humain et partenaire de société. La définition de l’authenticité de soi réside dans le processus de conditionnement de son état propre, et donc dans la culture de sa conscience d’être, d’avoir et d’agir dans le sens de sa réalité plus que de son imaginaire. Voir au-delà du présent ne signifie pas dénaturer sa personne et son image, pour soi ou pour les autres.

En entreprise, parce que le jeu du marché mène trop souvent à la déception des autres, les “ingénieux moyens de fuir sa réalité” semblent à portée de main d’un très grand nombre de dirigeants. Pourtant, l’économie du marché, et par voie de conséquence le management de l’entreprise, repose sur la confiance partagée entre les parties prenantes en cause. Il devrait s’ensuivre, normalement, une réciprocité d’authenticité dans l’expression des échanges caractérisant leurs rapports d’affaires. Et non pas une unilatéralité d’avantages de chacun au détriment des autres, comme modalité de relations d’usage. C’est pourtant ce que l’on constate, dès lors que la mission implicite de “service au client” (fin de l’entreprise) est détournée au profit du “service à l’actionnaire” (moyens de l’activité).

Pour certains, ce genre de considérations est à ranger du côté “théorie de l’organisation”, parce que relevant de la “philosophie” et non pas de la “pratique” des affaires. Le tort, c’est d’imaginer que les actes de chacun ne sont jamais que la manifestation de leur “pragmatisme”, alors que toute formulation de leur réalité, en structure logique, tienne fatalement des lubies de l’esprit de qui l’exprimera. Kurt Lewin (1943) a dit: “there is nothing as practical as a good theory”.

Parce qu’on oppose, de manière machinale, la “théorie” à la “pratique”, on en arrive à conclure que ceux qui “pensent” doivent être opposés à ceux qui “agissent”. Un peu comme Frederick W. Taylor l’avait prescrit, en dictant que, en entreprise, on “pense” en haut et on “exécute” en bas. Paradoxalement, en entreprise, ceux qui logent “en haut”, et dont la fonction support (Porter, 1983) impose de “penser” d’abord, se définissent comme les véritables “praticiens” du management, et donc plus “pragmatiques” que le personnel chargé de rendre l’activité et les affaires. Comme quoi le simplisme des notions traduites par la réduction de leur sens donne dans la bêtise.