Yeoman (2014) cite Adam Smith (1776) qui a dit : « Le travailleur privé d’une activité signifiante devient généralement ignorant autant qu’un être humain puisse le devenir ». Ce qui fera de lui, éventuellement, et inexorablement, selon Marx (1867), « une monstruosité d’affligé ».
Il est indéniable, que nous sommes tous, comme humains, des êtres à dépendance de survie, à raison de notre contexte et de nos conditions d’épanouissement personnel. Et ce, à travers le collectif social dans lequel nous baignerons, pour trouver le sens requis à notre équilibre de vie. Or, même si nous ne trouvons pas toujours l’espace-temps nécessaire à notre pleine actualisation, nous ne désespérons pas complètement, et cherchons à améliorer nos chances d’y arriver. Nous voudrions, tous autant que nous sommes, avoir un « travail à contenu signifiant, stimulant et porteur » (Spencer, 2009), de sorte que nous nous accomplissions au mieux de notre potentiel propre.
Le « travail signifiant » est d’ordinaire lié à l’entreprise à dimension de démocratie de gestion sur l’activité et les affaires. Ciulla (2000) définit le « travail signifiant », comme la « vie signifiante », en termes de « valeur morale » qui mérite l’engagement de soi entier parce que « valorisante de soi-même ». Il déplore, que tout le monde ne puisse trouver pareil travail, et que leur personne en souffrira d’autant. De son côté, Kovacs (1986) associe le « travail signifiant » à ce que devrait correspondre un « mode d’être (de vie) de base dans le monde ».
Morris (1884) disait que « rien ne devrait être accompli par le travail humain qui ne mérite pas de l’être; ou qui dégrade l’humain ». Or, tous admettront que les politiques de l’entreprise sont rarement adoptées avec l’intention formelle de nuire à la personne. Pourtant, leur application rend souventefois impossible la réalisation du potentiel de chacun, alors que son embauche et de sa rétention reposeront, en principe, sur son dépassement par le mandat d’emploi assigné. En somme, l’entreprise voudrait que la personne s’investisse entièrement en emploi, pour élever de manière optimale son résultat à la tâche, tout en la privant du contexte du travail et des conditions générales d’exécution de la tâche le facilitant.
Priver « le travailleur d’une activité signifiante » ne veut pas platement dire l’astreindre à une tâche dégradante. Plus souvent qu’autrement, cela veut dire lui confier un travail sans perspectives de valorisation réelle de son talent.
On « divise le travail », comme on morcelle l’activité et les affaires, dans l’entreprise. En somme, on dissèque le sens global des dernières, par la segmentation des interventions sur le flux du premier. Il ne reste plus, au travailleur, que le sens limité de ses obligations de tâche, sans comprendre le pourquoi de son engagement obligé au travail. L’emploi devient alors, entre ses mains, un pensum, alors que la direction de l’entreprise voudrait qu’il se traduise en passion. Or, la passion chez l’humain tient de la force de l’engagement, que suscite chez lui le sens des choses sustentant sa pleine attention. Et le travail, exécuté en séquence aveugle de tâches, perd, fatalement, sur la juste et pleine signification de l’activité ou des affaires qui le commande.
Chez vous, en entreprise, on facilite « l’actualisation du personnel », ou on assure son abrutissement par « l’insignifiance de la tâche qu’on lui assigne »?