Les termes du management ont leur importance, si tant est que l’on veuille se comprendre, lorsqu’on aborde les questions relatives à l’évolution de l’activité de l’entreprise.
Le changement s’explique, en termes d’appréciation, par l’écart d’état entre la situation de départ et la situation d’arrivée des choses dans l’entreprise. La situation peut être « immobile », « en transition » ou « en révolution ». Et il n’y aura « aucun » changement, une « adaptation », une « innovation » ou une « invention », par rapport à la situation de départ des choses dans l’entreprise.
La courbe d’évolution du changement se divise, grosso modo, en deux segments d’espace-temps de vie de l’entreprise : 1) l’existant (ce qui est – l’acquis); 2) l’inexistant (ce qui n’est pas – le requis). Et le changement traverse, pour s’accomplir, deux phases distinctes : a) la zone de mouvement (amorce du changement); b) la zone d’accélération (aboutissement du changement).
En zone de mouvement, les systèmes (matériels) sont d’abord changés, pour répondre aux exigences nouvelles de l’entreprise (venant pour l’essentiel de la demande changeante du marché). Puis les processus (immatériels) suivent, pour optimiser l’usage des systèmes de production de l’entreprise. La situation passe alors d’un état statique à un état transitoire. On parle alors d’adaptation, parce que l’entreprise ne crée pas de nouvelles conditions d’exploitation de son activité, mais ajuste ses modes, méthodes et pratiques de management à ce qui se passe (et la force à s’ajuster) autour d’elle.
En zone d’accélération, les mentalités (psychologie des acteurs – dimension individuelle) changent d’abord, pour répondre aux pressions que subit l’entreprise de la part de ses rivales de marché (pour demeurer concurrentielle). Puis les modèles d’affaires suivent (psychologie de l’organisation – dimension collective), pour optimiser l’activité qu’auront suscité les mentalités nouvelles dans l’entreprise. La situation passe d’un état transitoire à un état transformationnel. En transformationnel, on parlera soit d’innovation, parce qu’il y aura création d’une activité adjacente (dans le sens de Chris Zook, Beyond the Core, 2004) au core business (activité fondamentale) de l’entreprise. Mais on parlera d’invention, si l’entreprise a créé un domaine d’activité tout à fait différent de son core business de départ.
La différence entre l’innovation et l’invention est importante, en ce qu’elle est de degré de changement dans l’activité (partielle : innovation; totale : invention).
Notons que l’adaptation, l’innovation et l’invention sont des formes du changement dans l’entreprise. La différence entre elles, c’est qu’à gauche du « point de bascule du risque » (l’existant), le changement ne suppose que l’adaptation de l’entreprise à une situation connue, alors qu’à droite du « point de bascule du risque » (l’inexistant), le changement impose à l’entreprise l’innovation ou l’invention et donc la création d’une situation (état d’être) partiellement ou totalement inconnue.
L’innovation est un ajout à une chose existante, qui la transforme suffisamment pour qu’elle se distingue (dans le sens de Porter, 1983) de ce qu’elle était antérieurement pour devenir autre chose. L’invention, elle, est la dotation d’une chose nouvelle dans sa totalité (dans le sens de Chesbrough, 2003 et de Kim et Mauborgne, 2017).
En somme, la courbe du changement dans l’entreprise se développe en quatre temps (étapes) du management de l’activité : DE L’EXTERNE À L’INTERNE : i) les stratégies; ii) les structures; DES INTENTIONS AUX ACTIONS : iii) les personnes; iv) l’organisation.
Ce qu’il importe de comprendre, c’est que l’adaptation suppose l’existence d’un état connu des choses sur lequel s’ajuster. Alors que l’innovation impose la création, par l’addition à un état connu d’un aspect inconnu, sur lequel miser pour faire évoluer les choses. Quant à l’invention, elle impose la création d’un état totalement inconnu par rapport à toute chose précédente, pour révolutionner les choses.
Il y a donc une gradation dans l’ordre du changement dans l’entreprise, dont il faut tenir compter.
S’adapter n’est pas innover, et innover n’est pas inventer. On ne doit donc pas confondre l’adaptation, l’innovation et l’invention.
L’adaptation ne peut se confirmer, que s’il y a un référent existant sur lequel s’ajuster. L’innovation ne peut s’affirmer, que s’il y a ajout à un référent qu’elle transforme en une chose inexistante. L’invention, elle, ne peut être invoquée, que s’il y absence de référent existant comme tel et qui fasse surgir une chose totalement inexistante.
Ce qui ne veut pas dire que l’entreprise parte inexorablement d’une table rase, en matière de connaissances humaines, pour innover ou inventer. Cela veut dire, qu’innover suppose l’ajout d’un facteur inconnu jusque-là à un autre déjà connu de l’entreprise. Alors que l’adaptation ne commande que l’ajustement de la situation (état d’être) de l’entreprise à un facteur déjà connu d’elle. Autrement dit, le connu, dont il est ici question, n’implique pas nécessairement que l’entreprise en ait elle-même été « consciente » par le passé, mais qu’elle le soit devenue, et que la situation de quelqu’un quelque part l’ait poussée à s’ajuster dans le même sens. En ce qui concerne l’invention, le savoir général de l’entreprise ne sera pas totalement inexistant, mais la chose qui sera créée sera, elle, inconnue de tous et inexistante partout.
Si l’on doit confondre ces états d’être (adaptation, innovation et invention), alors aussi bien déparler chaque fois que l’on voudra aborder la question du changement de l’activité dans l’entreprise.
Chez vous, en entreprise, « on change (sans risque) par l’adaptation seulement », ou « on change (avec risque) par l’innovation voire l’invention »?
(NOTA BENE : la courbe du changement, dans l’entreprise, se dessine en deux volets d’état d’être, divisés par le « point de bascule du risque ». Sans risque, il n’y a pas d’innovation ou d’invention, bien qu’il puisse y avoir eu changement dans l’activité de l’entreprise, s’il y a eu adaptation à une chose connue – et donc passage d’un état antérieur à un état postérieur. L’innovation et l’invention, plus spécifiquement, sont liées à un inconnu de situation future, d’où le risque de la décision qu’elles supposeront pour qu’il y ait changement dans l’entreprise… par l’addition ou par la création et non plus par l’adaptation pure et simple.)
AVEZ-VOUS LU :
Mieux définir le management: Pour mieux comprendre l’entreprise
(voir : Publications et vidéos / Ouvrages, sur le site performinfo.fr lui-même)
Un ouvrage fortement recommandé aux étudiants et aux étudiantes, par le département du management, dans un très grand nombre de Business Schools à travers le monde.