List (1959) a parlé du « principe du ‘vendre des produits finis’ et ‘acheter des matières premières brutes’ ayant servi de théorie de développement à l’Angleterre, dès le début de la Révolution industrielle ».
Or, la véritable politique de l’Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle, consistait à suivre très exactement ce que Adam Smith avait prescrit en matière de commerce international, soit l’ouverture des marchés étrangers en fonction de l’avantage comparatif du plus fort. En d’autres mots, dès que les mesures protectionnistes d’un pays à économie forte auraient permis à ses industries d’atteindre leur point de compétitivité, face aux rivales sur la scène internationale, alors il conviendrait de prêcher activement les mérites (vertus) du marché libre dans le domaine des échanges internationaux.
Ce que Reinert (2004) a dépeint, en usant de la métaphore suivante : « dès que le sommet du développement des entreprises, dans les secteurs à privilégier à tout prix, aura permis de renforcer l’économie nationale, le pays favorisé par des mesures protectionnistes abattra l’échelle lui ayant permis de grimper aussi haut, de peur que d’autres pays ne puissent l’emprunter pour le concurrencer sur son propre territoire ».
Notons que, en termes d’économie nationale (ou, dans le présent texte, en termes de macro-protectionnisme), le « rendement » sur les « achats de matières premières » est « décroissant », alors que celui sur les « produits finis » est, lui, croissant. Et que, si on fait un parallèle avec l’entreprise, en termes de management de l’activité et des affaires (ou, dans le présent texte, de micro-protectionnisme), l’opération d’achat du « travail » par le personnel est à « rendement décroissant » pour lui, alors que vendre la « productivité » du personnel pour l’entreprise est à « rendement croissant » pour elle.
Ce qui revient à dire, en mots plus simples, que l’entreprise, par la pratique managériale courante de son activité et de ses affaires, défend le « principe » de List du ‘vendre des produits finis’ et ‘acheter des matières premières brutes’, comme « théorie de développement » de ses marchés (celui du travail et celui de l’investissement).
Le problème, contrairement à ce que suppose le macro-protectionnisme, où il y a, un jour ou l’autre, renversement des politiques gouvernementales depuis la fermeture vers l’ouverture des marchés de l’échange commercial, le micro-protectionnisme ne présente jamais de retour en arrière pour les entreprises qui continuent bon an mal an à exploiter le « travail » du personnel à son détriment pour mieux vendre la « productivité » du même personnel à son seul avantage.
Ce qui fait que le « rendement décroissant » est le lot continu du « travail », alors que le « rendement croissant » est celui permanent de la « productivité ». Mais voilà, tout ne s’arrête pas là. Les entreprises tirent le maximum de « remises fiscales » de tous les gouvernements se trouvant sur leur route, ce qui ajoute au « rendement décroissant » du « travail » pour le personnel. Et, par le truchement de législations et de réglementations de toute sorte, les mêmes entreprises ajoutent au « rendement croissant » de la « productivité » du « travail » de leur personnel à leur avantage. En somme, ce que les entreprises prétendent devoir au génie de leurs dirigeants, elles le doivent effectivement au labeur de leur personnel.
Et dire qu’on ne compte plus ceux et celles qui, innocemment, pensent encore et toujours qu’avec la croissance économique « the tide will rise all boats ». Faut croire qu’ils ont l’esprit critique en rade, alors que leur sens de la réalité de la vie collective a coulé par le fond.
Chez vous, en entreprise, « la direction vend des produits finis » à prix fort au client grâce au travail du personnel alors que ce dernier vend sa « productivité » bon marché à l’entreprise, ou est-ce que la « croissance économique » fait que la vague du profit « permet à toutes les embarcations d’être également soulevées »?