Yeoman (2014) cite Gilligan (1982) qui dit que : « La transformation de ses émotions est la transformation du jugement porté sur soi-même ». Or, le développement des émotions est un exercice strictement personnel, bien que les sensations qui les enclenchent soient souvent vécues collectivement en entreprise. Tout dépendra de l’importance imputée par la personne visée « à l’objet (but, projet, personne) » qui donnera « le ton… à sa conception de la vie » (voir mon post précédent : Les émotions sont des « formes de jugement » qui, suivant leur intensité et leur particularité, sont une « forme d’admission » du besoin de combler l’insuffisance de soi).
Ainsi le contexte du travail et les conditions générales d’exécution de la tâche, dans l’entreprise, sont-ils inducteurs d’émotions chez le personnel. Ne serait-ce que par le truchement des comportements obligés, que tel contexte et telles conditions suscitent chez ce dernier. Ce qui suppose, qu’il y aura « transformation des émotions », par le biais des « comportements » provoqués par le besoin d’ajustement du personnel à tel contexte et à telles conditions. En somme, il y aura forcément un « jugement porté sur soi-même » par le personnel, par cette chaîne de transformations, qui soit imputable au cadre de vie que tel contexte et telles conditions lui imposeront.
Ce qui donne à entendre que, pour advenir, l’engagement résolu à la tâche, de la part du personnel, devra découler d’un « contexte et de conditions » propices à l’épanouissement de lui-même. En quelque sorte, l’engagement résolu à la tâche, de la part du personnel, est la résultante d’un « jugement porté sur son cadre global de travail ».
Mieux, le « jugement sur le cadre de vie » du personnel sera l’équivalent du « jugement de chacun porté sur son état émotif courant ». Parce que, sauf à être contraint légalement d’accepter un contexte et des conditions innommables, le personnel voudra connaître un « cadre de vie professionnelle » qui réponde mieux à ses aspirations d’épanouissement propre. Ce qui ne suppose pas, que chacun puisse inconditionnellement imposer ses valeurs à l’entreprise, mais que tous peuvent, par leur « engagement » voire leur « désengagement » faire comprendre à cette dernière, par ses comportements, qu’elle aurait avantage à lui assurer un meilleur contexte du travail et de meilleures conditions générales d’exécution de la tâche.
Si le personnel veut qu’il y ait éventuellement « transformation de ses émotions », dans le sens d’une plus certaine actualisation de soi, il lui faudra bien admettre qu’il devra « transformer son jugement sur lui-même » en provoquant la « transformation de son cadre de vie » en entreprise. Même si c’est la direction qui est la principale responsable du climat du travail, le personnel, en réaction à son contexte du travail et à ses conditions générales d’exécution de la tâche, peut forcer l’ajustement de son cadre global de vie à ses besoins.
Ce que l’entreprise perd de vue, alors que ses indicateurs de mesure de la performance à la tâche sont tous centrés sur le résultat du travail, c’est l’importance du contexte et des conditions d’accomplissement de celle-ci. Et s’il en est ainsi, c’est que la direction refuse d’assumer les carences de sa gouvernance, au profit d’une décharge de soi sur le dos du personnel.
La performance n’est pas un niveau de résultat sur la production courante, mais une trajectoire d’amélioration des modes, méthodes et pratiques du management dans l’entreprise sur son cycle de vie entier. Ce qui relève de la direction, et que le personnel peut faire changer par ses comportements, à moins d’un entêtement gratuit de la part de la première.
Chez vous, en entreprise, la direction favorise la « transformation des émotions » à l’avantage du personnel, ou la direction privilégie la « transformation du personnel » au profit de ses considérations propres?