Klein (2005) définit la théorie de la décohérence comme suit: “Elle explique comment, du fait de leur interaction avec l’environnement, les objets macroscopiques nous paraissent avoir un comportement conforme aux lois de la physique classique, alors que leurs constituants microscopiques, atomes et autres particules, ont un comportement quantique”. Il rappelle que Schrödinger avait mis là le doigt sur un problème qui devait préoccuper nombre de physiciens pendant des décennies. Klein conclut; “Y aurait-il deux univers ? L’un, microscopique, étranger à nos sens, mais essentiel à la compréhension de la nature, l’autre macroscopique, dans lequel nous évoluons avec les objets qui nous entourent ?”
Étrangement, on peut tirer de ce questionnement des enseignements pratiques pour l’entreprise. De fait, les lois de l’environnement externe, celles classiques, liées au positionnement des produits et services d’offre dans le marché de concurrence de l’entreprise, sont nettement différentes de celles de l’environnement interne, plus quantiques, liées à l’exécution de l’activité par le personnel en vue du service aux clients de l’entreprise. Or, le régime de management dans l’entreprise ne prévoit jamais deux volets distincts de modes, méthodes et pratiques de gestion, face à ces deux types d’environnement différents. Dans le marché, tout est fonction de la capacité de concurrence de l’entreprise. Dans l’exécution de l’activité, tout est question de convergence des capacités de l’entreprise. Pourtant, l’entreprise n’a jamais qu’un seul registre de politiques, que sa gouvernance soit en cause (l’externe) ou que sa gérance le soit (l’interne).
En matière de stratégies et de structures, dans le sens appréhendé par Chandler (1962), leur gestion devrait être déclinée en deux temps: 1) la planification (responsabilité première de la direction); 2) l’exécution (responsabilité première du personnel). Or, la direction a fonction de support au personnel (Michael E Porter, 1981), alors que le personnel a fonction fondamentale dans l’entreprise – et non pas l’inverse. Tout est dans l’exécution (Charan et Bossidy, 2002). Pourtant, la gouvernance (externe) et la gérance (interne) reposent entièrement entre les mains des mêmes personnes (les dirigeants). Ce qui est un non sens. Il y a là “décohérence” manifeste, en matière de besoin de complémentarité des cadres de gestion de nature distincte que sont le “macro” et le “micro” dans l’entreprise.
À ne tout voir que par la seule lorgnette de la direction, l’entreprise finit par souffrir de strabisme. Et son résultat finit par présenter des troubles dissociatifs de l’identité.