Kahn (1990) et May (2004) notent que « la tentation est grande pour l’entreprise de renvoyer aux employés l’obligation de trouver eux-mêmes le sens requis dans leur travail, en faisant les ajustements psychologiques nécessaires ».
Or, « le sens du travail » doit être l’objet « d’une construction imputable à la direction d’abord », avant de l’être « de la part du personnel de l’entreprise » (Welbourne, 2011) ensuite. Le cadre d’expression du comportement des acteurs est limité par le contexte du travail et les conditions générales d’exécution de la tâche, qui sont la responsabilité première de la direction. Mais, les modalités d’accomplissement de la tâche reviennent principalement au personnel, même lorsque des règles fixes visant son exécution sont imposées par la direction. De fait, le rendu de la tâche n’est pas celui déterminé par la direction au départ des mandats d’emploi, mais bien celui produit par le travail du personnel qui l’accomplit. Et seul le personnel est l’auteur de ses décisions et de ses actes.
Ce qui ne dispose pas du concept de « l’engagement du personnel en entreprise » (Rigg, 2013), qui, lui, ressortit du contexte du travail et des conditions générales d’exécution de la tâche. Ce qui suppose, que la direction assume une responsabilité très grande dans « le sens du travail », tel que compris par le personnel qui doit ajuster ses comportements en fonction de tel contexte et de telles conditions. Or, lorsque les règles contraignent trop l’exécution libre de la tâche, elles bloquent « le sens attendu du travail » par le personnel, et les « ajustements psychologiques » requis pour mieux vivre l’expérience d’emploi pour ce dernier vont résulter en désengagement plutôt qu’en engagement envers l’entreprise.
Ainsi, le défaut, pour la direction, d’enrichir « le sens du travail », par un contexte et des conditions stimulant l’engagement résolu du personnel à la tâche, va-t-il provoquer une réaction négative de celui-ci envers l’entreprise. Autrement dit, la direction n’assumera pas son rôle de support au personnel, dans l’exécution de l’activité et des affaires de l’entreprise, en voulant forcer chacun à trouver par et pour lui-même le « sens du travail » propice à son engagement résolu à la tâche.
Il demeure que, le plus souvent, en entreprise, la direction s’attend à ce que le personnel trouve par et pour lui-même « le sens du travail » susceptible de le stimuler socialement, moralement et professionnellement. Aucun indicateur de mesure du confort social, moral ou professionnel n’existe, dans l’entreprise conventionnelle, qui puisse rassurer quiconque sur la préoccupation de la direction de l’entreprise à tels égards. Tout ce qui retient l’attention des dirigeants, c’est le rendu technique de la tâche, dans la perspective de sa contribution financière au résultat d’exercice annuel de l’entreprise.
Le malheur, c’est que la performance à la tâche, dont dépend le rendu de l’activité et des affaires de l’entreprise, tient de « l’état d’esprit au travail » du personnel (Anderson et Anderson, 2010).
Les habiletés techniques, liées à l’exécution de la tâche, ne sont que les facteurs d’application de la volonté du personnel de satisfaire les attentes de rendu sur l’activité et les affaires de l’entreprise. Et un personnel insatisfait de son cadre de vie (contexte et conditions confondus) ne s’engagera pas à la hauteur de ses potentialités de contribution au résultat de quelque exercice que ce soit sur le cycle de vie entier de l’entreprise. En somme, la direction qui ne s’intéressera pas au confort social, moral et professionnel du personnel contribuera directement à la réduction des capacités de l’entreprise à tirer avantage des opportunités de marché se présentant à elle.
« Le sens du travail » n’est pas la responsabilité première du personnel, comme il est celle de la direction, même si les deux en assureront pour partie la juste définition dans l’entreprise.
Chez vous, en entreprise, « le sens du travail » est à « valeur ajoutée », par l’effet de gouvernance et de gérance de la direction, ou à « valeur régressive » sur la capacité d’accomplissement de soi de chacun?