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La rotation de la culture

Thomas (2006) donne l’exemple suivant: “Il y a ce problème dans l’entreprise qui compte 150 000 employés, et dont le taux de rotation est de 10 %, et où, si les effectifs se maintiennent, il faut que 15 000 nouvelles personnes assimilent le message, le comprenne et s’engagent à son égard tous les ans”. Ce que je traduis en “rotation de la culture”. Le changement, que provoque un taux aussi élevé de remplacement constant des acteurs, a pour conséquence des reconfigurations toutes aussi permanentes de la personnalité de l’entreprise. Parce que l’entreprise est et demeure un espace-temps d’intervention d’humains sur une matière économique (bien d’offre) en vue d’un service social au client (mieux-être).

Chaque pays, région, secteur d’activité ou d’affaires, a ses propres taux de rotation de la main-d’œuvre. On peut voir ci-contre, ceux de différentes industries aux États-Unis, en 2022. Certains taux sont nettement effarants, tellement ils supposent un rythme infernal d’adaptation des entreprises, sous la poussée brusque des changements de culture chez elles qu’entraîne leur personnel nouveau chaque année. Avec un taux moyen de 47 %, pour l’ensemble des États-Unis, on peut dire, sans risque de délire, qu’une fois sur deux les entreprises perdent leur capacité d’être en termes d’identité propre. C’est-à-dire, que la définition d’elles-mêmes, par le truchement de leur culture, leur fait échapper la compréhension nécessaire de qui elles sont réellement pour pouvoir se gérer dans l’économie des moyens de l’activité. Plus prosaïquement, cela veut dire, qu’elles s’échinent à mieux se comprendre, pour pouvoir mieux assurer leur service au marché, alors qu’elles devraient être suffisamment stables (sûr d’elles) pour centrer l’essentiel de leur attention non pas sur elles-mêmes mais sur leurs clients.

Le chamboulement culturel, dans l’entreprise, suite à la pandémie récente (COVID-19), n’a fait qu’empirer les choses. Les départs massifs, dans certains secteur de l’activité, ont mis à risque d’organisation nombre d’entreprises. Qui doivent désormais se retrouver telles qu’en elles-mêmes, avant de vouloir satisfaire aux besoins et attentes des tiers de marché que seront leurs clients. L’entreprise qui n’arrive plus à se comprendre peut difficilement arriver à comprendre les autres. Prétendre le contraire, c’est s’illusionner sur le sens même de son service utile au marché. Et, à cet égard, les entreprises qui s’illusionnent sur leur condition continuent de s’illusionner sur leur utilité au client.

Drucker (2000) a prescrit, que “la culture bouffe la stratégie au petit déjeuner”. Or, la culture organisationnelle n’est pas une vague abstraction philosophique. C’est la réalité même de l’entreprise, puisqu’elle définit son identité propre. Et cette dernière est un impératif de service aux autres, dans une économie où le jeu de valeurs de partage détermine au final le choix de consommation des clients.

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