Nelson (2003) relève, que « la recherche empirique démontre que les humains ne laissent pas leurs relations sociales, leurs valeurs, leurs loyautés et leur créativité à l’entrée de leur lieu de travail ».
Contrairement à ce que trop d’économistes ne pensent encore, l’économie ne peut être entendue comme une sphère complètement détachée (isolée) du « social » et du « politique » (Gibson-Graham, 2008). Partant, l’entreprise ne peut elle-même, qui est l’armature en réduction de l’économie globale, être comprise comme éloignée de toute considération sociale ou politique.
De nombreux courants d’idées circulent dans l’entreprise, qui, parfois, sont cause de « conflits d’intérêts » (Nooman, 2005) en son sein, parce que fondées sur des « rationalités qui s’opposent » (Ettlinger, 2004). Cela rend les consensus plus difficiles, et donc « l’unité d’action » (England, 2003) plus aléatoire. Or, l’objet de l’entreprise, comme de l’économie d’ailleurs, consiste à profiter et non à désavantager toujours plus ceux qui l’assument. Une coopération entre leurs différents acteurs s’impose, pour que cette condition soit satisfaite au mieux des situations. Il doit alors s’y développer un « cadre général d’entendement » (Gould, 1996), sur l’intérêt à y poursuivre ensemble pour leurs acteurs respectifs.
Les valeurs de la communauté d’implantation de l’entreprise sont déterminantes du fond de comportement général du personnel en entreprise, parce que ce dernier en provient directement, et qu’il en tire l’essentiel de ses valeurs de référence. Mais il demeure, que l’entreprise, si son activité et ses affaires doivent être efficientes, pour répondre à l’impératif de mission de service optimal de son marché, ne peut être davantage un espace-temps de dissension qu’un lieu de concordance des intérêts de ses acteurs.
Ce qui explique l’importance, en matière de dotation de personnel, au stade de l’embauche comme de la promotion, de centrer les préférences de choix sur des acteurs porteurs de valeurs de rassemblement plutôt que d’éparpillement. Ce qui ne suggère en rien, que l’entreprise puisse recomposer le fond de valeurs du milieu social de provenance de son personnel, mais qu’elle peut être constituée de personnes à valeurs d’appariement avec ses besoins d’identité propre. De fait, l’entreprise, pour demeurer efficiente en activité et en affaires, doit agir comme un corps social d’intégration pour ses acteurs, tout en tentant de se distinguer de ses rivales de marché par la sélection de son personnel. Et plus le personnel sera apte à partager des valeurs fortes de concentration d’intérêts mutuels, plus l’entreprise évoluera en lieu d’actualisation de soi pour ce premier.
En somme, les valeurs sociales de la communauté de provenance du personnel ne doivent empêcher celui-ci de participer de la spécificité de « l’identité propre » (Tardif, 2018) de l’entreprise. Le personnel de l’entreprise peut ajouter à son bagage de valeurs propres celles indispensables à l’affirmation de l’entreprise, comme collectif social à vocation de différenciation, pour répondre au besoin d’optimisation de sa présence dans le marché.
On en déduira, que les valeurs de l’entreprise, partant de son personnel, peuvent évoluer vers autre chose que celles qualifiant la culture de la communauté d’origine de ce dernier, sans nécessairement constituer pour lui des obstacles à l’épanouissement des humains qui le composeront. Autant les individus, en société, sont distincts, en valeurs de souscription, autant les personnes, en entreprise, peuvent être différentes, en valeurs d’adhésion.
D’ailleurs, la raison d’être de l’entreprise est de répondre, par l’optimalité de son service, à des attentes de clients différenciés sur demande. Ce qui suppose d’ores de déjà une différenciation sur l’offre. Partant, à une différenciation d’identité propre, de la part de l’entreprise concernée. Et il n’est pas de différence d’identité, sans valeurs propres différentes. Conclusion : les valeurs de la communauté et les valeurs de l’entreprise peuvent être différentes, sans obligatoirement être « confrontationnelles ».
Chez vous, en entreprise, les « valeurs de partage sont les mêmes que celles des rivales de marché », ou les « valeurs d’adhésion du personnel sont propres à l’entreprise » sans confronter celles de leur communauté de provenance?