Connelly (1995) remarque que « la présence d’un consensus est interprétée comme un signe de risque ».
Le processus délibératif, en entreprise, doit permettre l’expression libre des opinions, ce qui suppose le désaccord sur le fond et sur la forme des choses le cas échéant. Parce que l’objet des délibérations est d’en arriver à un accord sur le sens des choses, de sorte que les décisions les plus propices à leur exécution soient prises au meilleur coût possible pour l’entreprise et ses acteurs. En ce sens, le dialogue, que cela suppose entre les acteurs-preneurs à l’activité et aux affaires de l’entreprise, doit être un « processus d’intégration polyvocal des idées » (Follett, 1918).
En fait, dira Connelly, le « processus idéal » devrait en être un de type « polysensus », c’est-à-dire une « voie d’intégration qui comprenne et transcende à la fois les différences d’opinions ». En d’autres termes, les opinions émises, qui différeront des solutions préférées, ne seront pas éliminées d’office, mais retenues pour considération et application ultérieures, advenant que leur utilité soit rendue nécessaire par un changement de circonstances.
Ainsi, le « processus de prise de décisions », dans l’entreprise, ne sera pas exclusif par définition, mais inclusif de partage d’idées et de rétention de contributions utiles à leur heure chacune. Et, pour que la discussion perdure dans l’entreprise, à l’avantage de solutions toujours plus appropriées les unes que les autres, encore faudra-t-il qu’il y ait entre les participants un sentiment net « d’interdépendance identité/différence » (Connelly, 1991).
Le « signe de risque », associé au consensus facile dans l’entreprise, tient du fait que l’élimination automatique des idées contraires au courant dominant des certitudes mène rapidement au « groupthink » (Janis, 1972). Ce qui contrevient à toute démarche en suivi de progression, vers l’innovation sur l’activité et les affaires de l’entreprise. La gestion participative, que suppose un « processus délibératif démocratique » dans l’entreprise, en vue de stimuler l’innovation à tous égards, doit effectivement permettre « l’émancipation des pratiques » (Baechtiger, 2010) de l’activité et des affaires.
En quelque sorte, il ne doit pas y avoir enlisement des pratiques, faute d’une remise en cause des idées fondant le management de l’activité et des affaires de l’entreprise. Or, cette remise en cause ne peut être structurellement déterminée, mais ponctuellement exercée, suivant l’évolution des choses affectant le rendu de telle activité et de telles affaires de l’entreprise. Autrement dit, on ne peut « rationnaliser d’avance les innovations », pour assurer les avancées d’efficience de l’entreprise, face à son marché. Les innovations ne peuvent se formuler qu’au fil de l’évolution des idées dans le corps d’action de l’entreprise, en fonction de pratiques différentes de l’activité et des affaires en cours.
Ainsi, le « processus délibératif » n’est-il pas limité aux seuls échanges verbaux entre participants aux échanges structurés, mais étendu aux essais et erreurs de pratiques sur l’activité et les affaires de l’entreprise. Les idées neuves ne viennent pas en format théorique uniquement, mais aboutissent, le plus souvent, d’expériences pratiques. Ce qui suppose que le « processus délibératif » en est un « d’exclusion » des erreurs et « d’assimilation » des succès (Tully, 2002) tout à la fois. Mais il n’est en rien fermé aux différences d’opinions, parce que l’innovation ne peut être que le fait de remises en cause des modes, méthodes et pratiques de l’activité et des affaires dans l’entreprise.
Or, les procédures fixes laissent peu « d’espace à l’expression libre des opinions » (Villa, 1999), ce qui est contraire à l’émergence d’innovations récurrentes dans l’entreprise. Situation qui, paradoxalement parlant, entraînera également un « risque », par consensus, de refus de participation aux avancées de l’entreprise cette fois.
Chez vous, en entreprise, « le consensus est-il à effet de participation continue au progrès de l’activité et des affaires », ou « le consensus est-il à effet d’abstention sur l’innovation quoi qu’il advienne »?