Willig (2009) indique que « la poursuite de l’estime de soi, c’est comme un lévrier chassant le lièvre sans jamais avoir reçu suffisamment de reconnaissance pour le terrain parcouru ».
De nos jours, l’insécurité économique, avivée par la substitution accélérée des technologies dans le milieu du travail, pour ne pas évoquer les bouleversements sociaux et les renversements de tendance politiques, font que le commun des mortels n’arrive plus à retenir suffisamment de « sens de la reconnaissance de soi » où qu’il se trouve et quoi qu’il fasse (Petersen et Willig, 2004).
« L’estime de soi » y perd partout, soit par la « valeur d’être » soit par le « sens d’être ». Le « sens de l’utilité sociale », pour chacun, devient moins superflu individuellement qu’il n’est devenu ingérable collectivement. Or, l’humain est un « animal social » (Aristote), qui doit se situer lui-même par rapport à un contexte de vie qu’il doit partager avec d’autres. L’humain a donc besoin d’appartenance à un groupe, qui partagera avec lui un corps de valeurs susceptibles de lui permettre de vivre une « estime de soi » menant à son actualisation propre.
Par nature, l’humain est un « être de relations » (Perrons, 2000; Roesseler, 2007), qui doit entretenir une dépendance à l’égard de ceux et de celles qui vont lui assurer la base sociale de reconnaissance nécessaire à son « sens d’être ». Parce que « l’estime de soi » se fonde, essentiellement, sur le « sens d’être » de l’humain.
En entreprise, la dépendance de chacun à l’égard des autres est incontournable, en ce que l’activité et les affaires qu’elle mène sont dépendantes du degré de partage de la « valeur d’être » et du « sens d’être » de leurs exécutants. En somme, il n’existe pas de « poursuite de l’estime de soi » parfaitement isolée en entreprise, sauf à considérer que le fruit de l’activité et des affaires de cette dernière puisse dépendre de l’inégalité de considération entre ceux et celles les assumant.
Au contraire, plus l’entreprise sera vécue comme un lieu de traitement égal par et pour chacun de ses acteurs, plus il y aura appréciation de la « valeur d’être » par le « sens d’être » indispensables à chacun pour s’accomplir pleinement. L’entreprise a donc intérêt à se révéler un espace-temps d’actualisation de soi pour tous ses acteurs, par l’appréciation de la « valeur d’être » et par le « sens d’être » qui assureront à chacun une « poursuite de l’estime de soi » facilitée.
Le travail, en entreprise, ne doit pas être « déprécié » (Schwarzenbach, 1996), non plus que les relations entre les uns et les autres. Sans quoi la « poursuite de l’estime de soi » en souffrira de manière certaine.
On doit déplorer qu’en maintes entreprises, la « valeur d’être » et le « sens d’être » ne soient pas pris en compte par les indicateurs de mesure de la performance à la tâche. Or, c’est très exactement le « sentiment de soi » par chacun qui répond de son engagement à l’exécuter. Et c’est parce que ces entreprises ne tiennent pas suffisamment compte de l’importance de la « poursuite de l’estime de soi » par leur personnel, que ce dernier a l’impression d’être « comme un lévrier chassant le lièvre sans jamais avoir reçu suffisamment de reconnaissance pour le terrain parcouru ».
Autrement dit, le personnel est constamment convié à se dépasser au travail, sans être jamais assuré d’une reconnaissance pour ses apports au résultat des opérations de l’entreprise. Sa « valeur d’être » et son « sens d’être » ne sont pas valorisés, dans la perspective d’une « actualisation de soi » possible. Ce qui contrevient à ses efforts de « poursuite d’estime de soi ».
Chez vous, en entreprise, tout contribue pour chacun à une juste « poursuite de l’estime de soi », ou tout, au contraire, constitue pour lui un frein à une « poursuite de l’estime de soi » normale comme humain?