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La morale d’hier et de demain

Jean-François Mattei (Institut universitaire de France), en préface à l’ouvrage de Comte (Discours sur l’ensemble du positivisme, 1834) note que celui-ci “préféra à la devise républicaine – Liberté, Égalité, Fraternité, la nouvelle formule trinitaire inscrite au fronton du Système de politique positive: L’amour pour principe, l’ordre pour base, et le progrès pour but”. Rappelons, que la morale positiviste se distingue des morales qui l’ont précédée en ce qu’elle prend le sentiment, et non la force ou la raison, comme principe universel de sociabilité. Mattei souligne que “l’ordre est bien le principe sur lequel tout repose, le monde comme l’homme; mais le progrès est la fin à partir de laquelle tout se légitime, l’humanité comme l’histoire”. Mattei ajoutera: “le point de vue féminin permet seul à la philosophie positive d’embrasser le véritable ensemble de l’existence humaine, à la fois individuelle et collective, qui ne peut être dignement systématisée qu’en prenant pour base la subordination continue de l’intelligence à la sociabilité, directement représentée par la vraie nature, personnelle et sociale, de la femme”.

Force est de constater, que depuis les Lumières, la société, et à sa suite l’entreprise, a davantage insisté, pour ne pas dire s’est limitée, à la dimension progrès individuel et collectif par la raison, au lieu de miser sur “l’humanité” et sur “l’histoire” comme “principe” d’évolution, facteur “d’ordre” et “but” à la réalisation de chacun. Aujourd’hui, les “machines pensantes”, parce qu’auto-organisées, issues de cette approche du progrès mécanique, poussent l’humain hors du système de production (en somme l’entreprise elle-même). Les humains se trouvent, désormais, contraints d’assumer leur actualisation propre à partir de valeurs sociales à résonnance plus émotive (féminine) que rationnelle (masculine). Or, la société, et pire encore l’entreprise, n’est pas sortie de l’ornière de la sociabilité vécue par “la raison” uniquement, pour entrer, résolument, dans l’ère du “coeur” (de l’amour de l’autre). Elle manque affreusement de valeurs féminines, pour se vivre en termes de philosophie de la sociabilité partagée.

Tout est apprécié, dimensionné et confiné aux aspects économiques du “progrès”, alors que l’humain, sous la poussée des “machines pensantes”, se voit obligé de se retrouver tel qu’en lui-même dans une société où l’entreprise fonctionne de plus en plus sans lui. Ce qui suppose, qu’il devrait apprendre à vivre son humanité de manière humanisme, soit en valeurs sociales bien plus qu’en valeur économique. Le progrès, dans la société post-capitaliste, doit en être un axé sur “l’esprit de la personne” au lieu d’être centré sur “l’esprit du profit”. La richesse à répartir ne doit pas faire oublier que le “progrès” à partager sera de valeurs d’être plus que de valeur d’avoir, puisque l’emploi conventionnel aura disparu du radar de l’actualisation de l’humain comme personne “individuelle” ou “collective”.