D’Espagnat (2015) rappelle que, selon Einstein, “une théorie physique ne devait pas être jugée à l’aune de sa seule efficacité; elle devait également dépeindre les structures intimes du réel, tel qu’il existe indépendamment de nous” (comme observateurs). Bohr, indique-t-il encore, “répugnait à considérer qu’il existât une réalité indépendante de l’appareil de mesure, car il lui semblait impossible d’obtenir une séparation nette entre le comportement des particules et leur interaction avec les appareils qui déterminent leurs conditions d’existence”. Selon ce dernier, “ce qu’une théorie physique peut prétendre décrire, ce sont seulement des phénomènes incluant dans leur définition le contexte expérimental qui les rend manifestes, et non une réalité prétendument objective”.
Loin de moi l’idée de vouloir trancher sur la question. Cependant, je retiens de tout ceci, que des parallèles peuvent être faits entre la physique et le management. En entreprise, on juge, sans doute trop souvent, de l’efficience des modes, méthodes et pratiques de l’activité et des affaires, sans tenir compte des conditions qui déterminent leur résultat. Ainsi, on évalue le rendement à la tâche du personnel, sur la foi de la théorie entendue dans l’entreprise, sans tenir compte du fait que le résultat des opérations doit, lui, tenir compte des conditions du marché qui en feront un succès ou un échec. Le personnel est évalué en fonction d’un objectif d’exercice, depuis son rendu de la tâche, sans que ne soient entrées en ligne de compte les conditions internes ou externes de son accomplissement. Par contre, lorsque les administrateurs jugent du rendement des dirigeants, alors le résultat négatif, s’il en est, est invariablement expliqué par les revers de la réglementation ou les mauvaises conditions de l’économie.
Ce ne sont pas nécessairement les théories souscrites qui posent problème, comme les applications qu’on en fait. Or, la meilleure des théories n’aura jamais l’incidence d’utilité attendue, si, dès le départ de son processus d’application, on donne dans la pratique contraire de son principe fondateur. Ce que l’on fait, à cœur d’exercice, dans l’entreprise-type (91 %), faute de prendre conscience, qu’il faut reporter dans leur juste contexte les évaluations que l’on fait, si l’on ne veut pas distordre indûment la réalité des choses sur lesquelles elles portent effectivement. Ce qui imposera, en matière de processus d’évaluation du rendement au travail du personnel, entre autre, que non seulement le résultat de la tâche soit comparé à l’objectif la concernant, mais que le tout soit pondéré en fonction des déterminants de l’environnement la conditionnant. Sans quoi, le jugement livré sera faussé, le plus souvent au désavantage des personnes soumises à l’évaluation.
Les dirigeants se targuent tous d’être pratiques, et honnissent toute théorie émargeant à leur préférence en matière de jugement sur la valeur ajoutée des autres à “leur” entreprise.