Le Texier (2022) fait mention de l’ouvrage très influent de Frederick Herzberg (1959), dans lequel ce dernier “montre que le salaire n’est que le sixième facteur de satisfaction au travail, derrière la réussite, la reconnaissance, la tâche, la responsabilité, l’avancement”. Citant Beardsley Ruml (1945), il retient que “la motivation des managers n’est pas le profit en tant que tel, mais le prestige qui s’attache à avoir un bon bilan, à être reconnu comme plus brillants que les managers d’une entreprise concurrente dans la même industrie, ou avoir gagné davantage que l’année d’avant ou que la direction précédente”. De Galbraith (1967), il note que la maximisation du profit n’est, au sein des entreprises bureaucratiques, “ni une nécessité ni une aspiration profonde”. De Chester Barnard (1935) que “il n’est pas vrai que les motifs économiques doivent ou puissent dominer les relations industrielles, et c’est particulièrement le cas du profit”. De Herbert Simon (1947), il retient que “les entreprises, loin de rechercher systématiquement à maximiser leurs profits, visent davantage à optimiser leurs performances”. De Cyert et March (1963) que “la maximisation du profit, comme cela est couramment avancé, est seulement un but parmi d’autres des entreprises commerciales, voire pas un but du tout”. Et, finalement, de Georges Homans (1950) que “si nous considérons les caractéristiques que toutes les organisations ont en commun, nous ferions bien de parler d’un motif de survie plutôt que d’un motif de profit”.
Que voilà de bien belles citations, et autant de pensées profondes sur la nature présumée des entreprises, de leurs directions et de leurs opérations. On sent là de joyeuses prescriptions, sur le sens de l’entreprise et de son management, bien davantage qu’une restitution fidèle de la réalité constante de l’une et de l’autre. Évidemment que le profit n’est que l’effet de l’activité et des affaires de l’entreprise, et que l’effet n’est jamais la cause des choses, à moins de tomber dans l’absolue tautologie du non-sens.
Si l’on observe attentivement (et donc de manière critique et lucide) l’évolution récente des technologies du “contrôle et de la surveillance” (monitoring) des personnes et des actes à travers le processus global de management de l’entreprise, on ne peut que conclure que tout, sauf ce qui a été suggéré plus haut, s’y est passé. La seule mesure du comportement admis dans l’entreprise-type, c’est celle du “bottom line”, partant du “profit”, dont les auteurs susdits ont tous reconnus le rôle secondaire par rapport à la création (satisfaction) du prochain client.
Les moyens justifient la fin, dans l’entreprise-type, au lieu du contraire, ce qui fait que le “profit” a préséance sur le “client”. Et pour mieux dissimuler ses intentions de ‘service propre”, au lieu de “service au marché”, l’entreprise a développé un répertoire impressionnant de formulations d’image de soi qui la rendent imperméables à SES “fausses intentions”.