Ziegler (2018) signale que “Au Guatemala, 1,86 % des propriétaires terriens étrangers et nationaux confondus possèdent 67 % des terres arables. Il existe dans ce pays 47 immenses propriétés s’étendant chacune sur plus de 3 700 hectares. Près de 90 % des propriétaires tentent de survivre sur des lopins de 1 hectare ou moins.” En somme, le Guatemala est un “Guateconquis” du sol, par la classe des possédants terriens, alors que la masse de la population vit et subit, par la force des choses, le régime que leur imposent les premiers. La superficie totale du pays est de 108 890 km carrés. Les terres agricoles ne représentent que 44 640 km carrés, soit 41 % de la superficie totale. Les terres arables, elles, ne représentent que 15 760 km carrés, soit 35,3 % des terres agricoles et donc 14,5 % de la superficie totale. Or, 67 % des terres arables représentent 10 559,2 km carrés, soit 9,6 % de la superficie totale du pays. En somme, cela ne représente que fort peu de terres, bien que cela représente les terres les plus productives. Quant à la population totale, elle est de 17 153 288 habitants. Et donc, 1,86 % des propriétaires terriens se partagent, entre eux, 10 559 km carrés du meilleur potentiel agricole d’un pays essentiellement agricole.
Je ne ferai pas, ici, d’étude détaillée de la situation du Guatemala, non plus que comparer celle-ci aux pays voisins ou du monde. Ce que je veux faire ressortir, avec les limites de comparaison que cela entraîne, c’est que ce type de domination complète du pouvoir le plus éminent sur le développement d’une même population se retrouve en entreprise. Soit la totalité de la propriété y est détenue par des actionnaires “externes”, soit elle est répartie entre des actionnaires “internes”. Mais, dans la très grande majorité des cas, ceux-ci sont largement moins nombreux que la “population totale” (le personnel) de l’entreprise.
Aux États-Unis, on compte, aujourd’hui, des dizaines de milliers d’ESOP (employee stock ownership plan), soit des régimes d’accès à la propriété par la détention d’actions dans l’entreprise qui emploie le personnel visé. Le premier ESOP fut mis sur pied en 1956, par l’économiste Louis O. Kelso. La formule s’est transportée ailleurs. En France, depuis 20 ans, les plans du genre se sont multipliés. Le problème, c’est que l’actionnariat-salarié, y est généralement limité à une moyenne de 6 % des actions émises. Ce qui constitue moins un régime de participation à la direction de l’entreprise, par le personnel concerné, qu’une forme de récupération de la masse salariale versée à ce dernier par la première.
Or, des exemples multiples d’accès à la propriété totale des actions, par l’ensemble du personnel, existent, depuis 1983, qui démontrent que le taux de rendement sur le capital versé des entreprises concernées dépasse largement celui des plus grandes entreprises du S & P 500 ou du Fortune 500. En somme, la répartition élargie de l’avoir profite plus que celle limitée aux potentats du pouvoir.