Le Texier (2022), au regard des premiers ouvrages publiés sur le management, dit: “…ces ouvrages sont affligeants de pauvreté intellectuelle – ce qui n’empêche pas leur succès en libraire, bien au contraire. Un best-seller mondial comme The One Thing You Need to Know enrobe par exemple quelques vérités de bon sens dans des kilomètres d’anecdotes avant de révéler, enfin, le ‘truc que vous avez besoin de savoir’: ‘découvrez ce que vous n’aimez pas faire et cessez de le faire’, puis ‘découvrez vos qualités et cultivez-les’. On peut légitimement se demander s’il est besoin d’écrire trois cents pages quand on a si peu à dire. Pareillement, le travail de cinq ans d’une équipe de Harvard, qui a porté sur des centaines d’entreprises, accumulé 60 000 documents et mobilisé des douzaines d’étudiants et de professeurs, se conclut par les plus grandes platitudes: ‘le secret de la réussite consiste à développer et appliquer une stratégie claire et précise, au sein d’une organisation faiblement bureaucratique et en accord avec une culture d’entreprise valorisant l’efficacité’ (Nohria, Joyce et Robertson, 2003)”.
Le babillage et l’enfantillage, comme la platitude, l’insipidité, la niaiserie, la bêtise, la sottise et la banalité, sont comme la turgotine, ils vont partout ou presque, bien qu’ils se “déplacent” lentement. Or, en entreprise, plus spécifiquement, surtout dans une économie mondialisée, tout ce qui est immuable ou presque est condamné non pas uniquement à régresser mais à s’élider lui-même. Et en management, de nos jours, l’inertie volontaire, c’est celle imputable aux adeptes de formules creuses, qui traînent dans le décor des publications écrites et électroniques de toute sorte. Tout un chacun, comme le dira Tom Nichols (2017), se veut “expert” en ce qu’il ne connaît pas, parce qu’il ne l’a jamais pratiqué, recherché, enseigné ou évalué. Les recompositions fantaisistes les plus étonnantes (pour être poli) surgissent, qui “tentent de colorer”, à l’image de leurs “auteurs de surface”, les concepts, notions et idées développés par ceux qui auront mis des décennies de pratique, d’observation et de réflexion (largement documentée) à les construire. Puis, la machine à diffusion “gratuite” se mettra en branle, qui diffusera leurs “trouvailles” dans tous les recoins d’irréflexion sur le “management clé en main”.
Les platitudes semblent devenues la triste réalité du management, où chacun, en mesure de “clavarder”, s’autorise au babillage comme à l’enfantillage, sous couvert d’anecdotes qui emportent la cagnotte des crédules du moment. Comme si l’exception prouvait irrémédiablement la règle, et que la réédition des observations, en management, devait céder le pas à l’impression première de faits uniques. Toute “expérience” devient alors un exemple irréfutable de norme applicable partout, pour qui ne sait pas faire la différence. Ce qui fait, que les fadaises les plus invraisemblables font autorité en maintes entreprises.