Le Texier (2022), en parlant de l’anthropologie du consommateur, dit ceci, après s’être référé à Chester Barnard (1940): “Car il ne fait plus de doute que les consommateurs doivent être supervisés et contrôlés tout autant que les employés”. Nul doute, qu’à une époque antérieure, les dirigeants d’entreprise voyaient tout ou presque à travers le prisme déformant de leur conception du monde. Tout, de près ou de loin, dans l’entreprise, devait inexorablement s’apprécier par le biais du contrôle effectif sur les choses et les personnes. L’entreprise n’était, à leur sens, qu’une fabrique à service aux ordres d’une machine à profiter. L’actionnaire s’en trouvait le seul actif requis, sans lequel aucune activité ou affaires ne pouvait émerger dans l’économie. Or, en 2000, on a vu surgir des entreprises, sans acheteur, et de surcroît profondément et longuement déficitaire au sens historique de la rentabilité des opérations, qui non seulement ont vu leur valeur de capitalisation défoncer le plafond de verre de l’incrédulité financière, mais étendre leur marché à l’infini du monde ou presque.
Plusieurs ont alors pris pour acquis, que le “client” leur était acquis, parce que sa “demande” ne cessait de croître. Les marketeurs se sont alors mis en tête qu’ils avaient assuré la “fidélisation” dudit “client”. Or, le client n’est fidèle qu’à lui-même, qui décide toujours seul de ses transactions dans le marché. Soit, il peut être influencé par l’offre alternative, ou par la publicité tonitruante du moment, mais la décision finale d’achat ou non lui appartient en propre. Mais cela fait “rassurant”, pour l’entreprise, de se faire dire par le premier marketeur venu, qu’elle a “fidélisé” celui qui ne lui a jamais réellement appartenu. Elle en retire une satisfaction à la mesure de ses espérances de meilleure réponse à la demande que ses rivales d’offre, bien qu’elle n’ait aucune idée de la distribution réelle de l’enveloppe budgétaire de qui elle sert dans son marché. Or, le client qui mange à tous les râteliers n’est l’appropriation de personne en particulier.
Si l’entreprise veut “fidéliser”, pour justifier de son service au marché, elle devrait s’en assurer auprès de son personnel. Celui-là lui est acquis, en nombre et en valeur, et lui sera d’autant plus fidèle qu’elle saura répondre pleinement à ses besoins et attentes de réalisation propre.
On parle fichument trop de “fidélisation du client”, et simplement pas suffisamment de “fidélisation du personnel”, pour faire le moindrement sérieux en matière de discours sur la valeur intégrale du management de pratique dans l’entreprise.