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Des compétences au travail et du temps de la tâche

Le Texier (2022) dit ceci: “Capter ses connaissances pratiques ne retire pas à l’ouvrier ses compétences (diskilling) mais les rend au mieux inutiles et au pire obsolètes. Il est important, souligne par exemple Ford, ‘que plus aucun travailleur n’ait besoin d’une compétence particulière pour exécuter une tâche'”. Or, rappelle Le Texier, Hugo Münsterberg (Harvard, 1913) avait référé aux “psychogrammes” et aux “cartes mentales”, figurant “les aptitudes et les prédispositions individuelles”, comme “instruments” permettant à l’humain de classer pour mesurer éventuellement ses qualités et capacités à produire dans un contexte d’organisation du travail.

En somme, le travailleur n’a jamais perdu sa faculté d’identification et d’application de sa compréhension de son propre environnement de réalisation, même si sa tâche était, elle, limitée à des actes de pure répétition. Son intervention continuait de s’inscrire dans un cadre d’activité et d’affaires d’entreprise, dont il avait intérêt à saisir le sens et la portée, pour stimuler davantage son engagement résolu au travail. Ce dont on prend, aujourd’hui, plus conscience, alors que le milieu du travail est de plus en plus farci d’automates (machines intelligentes ou non). Et cela veut dire qu’on a de plus en plus besoin, de nos jours, de “sociogrammes”, des diagrammes illustrant les liens sociaux qu’une personne peut entretenir, dans on espace-temps d’activité professionnelle, pour s’actualiser (Jacob Levy Moreno, 1933).

En fait, contrairement à ce qui a longtemps circulé, dans le milieu de l’entreprise, le personnel n’a pas moins besoin mais plus besoin de situer les enjeux de son travail dans un contexte qui “fasse intelligence”, de sorte que son engagement à la tâche lui permette de répondre aux objectifs économiques de sa tâche tout en l’autorisant à se réaliser au mieux de son potentiel social et de son talent technique. Le malheur, c’est que, dans le monde du management, on pense souvent que la machine suffit non seulement à la production physique de l’activité mais également à la production symbolique de l’image innovante de l’entreprise. Or, la mission de l’entreprise n’a pas changé, parce que son processus de production s’est mécanisé. L’objet (la fin) de l’entreprise est et demeure le service optimal à l’humain. Et l’humain est et demeure encore le mieux placé pour comprendre et reproduire ce qui sustente l’humain.

Ce n’est pas de moins d’intelligence humaine, partant sociale, qu’il faut dans l’entreprise postmoderne, mais plus d’intelligence interrelationnelle entre les humains, dans et hors de son milieu de production. L’intelligence artificielle n’est qu’un moyen parmi d’autres, pour servir les besoins et attentes de l’humain, qui la régira au départ ou qui en profitera à l’arrivée de l’activité de l’entreprise. En d’autres mots, il faut mettre plus d’intelligence humaine dans l’ensemble de la démarche de l’entreprise, partant de son management.