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Dans ses remarques préliminaires, in Utilitarisme, John Stuart Mill affirme que : « toute action tend vers une fin, et ses règles d’action, doit-on naturellement présumer, doivent tirer leur caractère et leur valeur de la fin à laquelle elle les soumet »

Selon John Stuart Mill (Sher, 1979), « toute action est essentiellement productive », en conséquence de quoi elle aurait fonction de « faire aboutir quelque chose ». Et pour que son résultat soit positif, « ce qui en ressort doit être bon ou aussi bon que possible ».

L’influence de cette conception de l’action, imputable aux auteurs anglo-américains de la morale philosophique, a eu de profonds effets jusqu’à nos jours. Même les philosophes qui, aujourd’hui, n’appartiennent pas à l’école de pensée utilitariste, n’éprouvent aucun inconfort particulier à expliquer (justifier) les valeurs morales, en société, en termes de production de « mieux-être », par le bien découlant des actions posées par chacun.

Une certaine déontologie générale s’est imposée avec le temps, qui semble contraindre, pour ainsi dire, tout un chacun dans la manière civile de rendre ses actions « utiles au commun » (Nozick, 1974). En somme, l’objet de l’action de chacun, en société bien constituée, « serait présumément de faire du bien », ou tout au moins de « prévenir le mal inutile » (Sheffler, 1982).

En management, pour que l’économie de l’entreprise ait un sens, dans la perspective de la mission implicite d’optimalité du service au client, toute action devrait « tendre vers une fin » convenue. Et les « règles d’action », pour assurer à l’activité et aux affaires de l’entreprise la valeur sociale de contribution au mieux-être du client, ne peuvent être que « naturellement présumées bonnes ». En d’autres mots, les décisions et les actes posés, en entreprise, « doivent tirer leur caractère et leur valeur de la fin à laquelle chacun les soumettra ».

Or, la fin de l’entreprise, contrairement aux voies et moyens que doivent emprunter sa réponse à la demande effective, n’est pas économique, et donc « justifiable en termes d’utilité rationnelle ». Elle est, par essence, sociale, et donc « justifiable en termes d’utilité émotionnelle ». Ce que l’entreprise accomplit (fin) ne se mesure pas en référents comptables, mais en appréciations sociales (valeurs). Ce qu’elle produit se mesure en données comptables, parce que ses décisions et ses actes (moyens de l’activité et des affaires) sont de transformation de ressources engagées dans la réponse au demandeur du marché (valeur).

Le management de l’entreprise suppose le service optimal au client-demandeur. Ce qu’impose, à ceux et celles qui l’assument, l’obligation de rentabiliser l’effort de transformation des ressources engagées dans l’activité et les affaires de l’entreprise. En somme, le management ne peut, si tant est que la fin implicite (mission) de l’entreprise doive être accomplie pleinement, qu’être producteur « d’utilité sociale », par le « bien économique » que constitue son offre au client.

Autrement dit, la « fin » réelle de l’entreprise se justifie « en termes d’utilité émotionnelle », bien plus « qu’en termes d’utilité rationnelle ». Or, la préoccupation première, sinon unique, de la majorité des dirigeants, porte sur la seule dimension financière des opérations de l’entreprise. On en voudra pour preuve le « rapport annuel », où « l’utilité » s’exprime à raison d’une sur-profusion de données financières, toutes liées aux voies et moyens de l’activité et des affaires de l’entreprise. Les statistiques, relatives à la fin de l’entreprise, si jamais elles sont présentes, sont généralement très largement déclassées, qui permettraient de juger de « l’utilité sociale » réelle de l’entreprise.

Or, la fin, le mieux-être social du client, devrait, logiquement, primer sur les moyens, puisqu’elle est leur cause et non pas leur effet. C’est systématiquement inverser l’ordre des priorités du management, que de considérer que les moyens sont la cause et que la fin soit l’effet de l’existence de l’entreprise. Le régime d’entreprise suppose que le service optimal au client soit la fin de cette première. Ce qui ne peut être interprété que comme la cause de la production du bien de mieux-être social demandé par le client. Les moyens de l’activité et des affaires ne sont alors que l’effet de la réponse qu’impose la fin de service optimal au client de l’entreprise.

Suivant cette logique, « toute action », en entreprise, devrait tendre « vers une seule fin », et « ses règles », « devrait-on naturellement présumer », ne devraient « tirer leur caractère et leur valeur » que de « l’utilité sociale » à laquelle on la « soumettra ».

Chez vous, en entreprise, « la fin est d’utilité sociale au client », ou « d’utilité financière aux actionnaires et aux dirigeants »?