J. Elster (1986) dit que « Ce sont les éléments de ‘défi mental’ qui distinguent le travail donnant lieu à la réalisation de soi du reste ». Parce que ce sont, généralement, les dimensions les plus exigeantes de la tâche. Et que celles-ci commandent « la pleine attention » du sujet, « à cause de leur complexité » (Elster, 1986). Mobiliser sa seule capacité à manier des données de tâche chiffrées ne satisfait pas le besoin d’habileté supérieure qu’exige un travail à « défi mental » certain.
La « tâche complexe » ne supposera pas être limitée aux seuls aspects techniques du travail qu’elle commandera, pour être accomplie avec efficience. Comme l’a précisé Dejours (2006), « le sens n’est pas automatique » (voir mon post sur ce même thème). Il découle « des interactions entre soi et les autres, de même que le monde matériel qui nous entoure ».
Et bien que le « travail de routine » n’entraîne pas aussi totalement l’investissement de soi (l’enthousiasme), que ne le supposera celui « complexe », parce qu’exigeant en « pensée » et en « jugement indépendant » (Kohn et Schooler, 1983), il peut être porteur d’utilité avérée pour les autres. Et, en ce sens, retenir une valeur appréciable de contribution à la condition améliorée des autres (Wrzesniewski et Dutton, 2001). Or, à terme, ce que recherche celui ou celle qui devra accomplir une tâche, c’est d’y trouver matière à rehaussement de son « sens de l’utilité » économique, après y avoir trouvé un moyen de relation sociale avec ceux et celles chargés de l’activité et des affaires de l’entreprise la comprenant.
Le travail, en fait la tâche assumée, se situe dans un espace d’exercice de son talent, comme il se déroule dans un temps de rapports d’excellence avec les autres intéressés par son produit (exécution et livraison). Il n’est pas indispensable, que le travail soit une question de vie ou de mort pour quiconque (Barley et Kunda, 2001), pour retenir suffisamment de sens pour être exécuté avec tout le souci du monde. Il suffit souvent, que le travail ait le « sens attendu par qui le valorisera suffisamment » (Rawls, 1999).
Le plaisir que le travail complexe provoquera, à son exécution, sera l’indice d’une attribution de sens, entre les mains de son auteur, en termes de contenu à « défi social » probant sinon à « défi mental » pour lui. Ce qui voudra dire, que le sens du travail ne soit pas exclusivement déterminé par ses attributs extrinsèques, mais également par ses attributs intrinsèques. C’est la personne exécutant le travail, qui trouvera dans ce dernier le sens qui conviendra à son accomplissement, comme humain en quête d’utilité par la tâche qu’il comprendra spécifiquement.
Mais la tâche, en entreprise, ne peut être assignée, sans tenir compte du flux de travail dans lequel elle doit s’inscrire, pour que l’activité ou les affaires, auxquelles elle se rattache dans l’entreprise, ne soient rendues de manière plus efficiente.
Le « défi mental » du travail tient donc simultanément des dimensions matérielles (conditions d’exécution de la tâche) et des dimensions immatérielles (contexte d’exécution de la tâche) de l’activité et des affaires auxquelles il se rattache dans l’entreprise.
Or, les indicateurs usuels de mesure de la performance à la tâche, dans l’entreprise conventionnelle, sont tous de type mécaniste, c’est-à-dire centrés sur les aspects physiques du rendu du travail (par unités de production interposées). Si les indicateurs de mesure étaient mieux répartis, entre le mécaniste (produit de l’activité et des affaires) et l’organique (comportements des acteurs face au contexte et aux conditions de la tâche), sans doute que le « défi du travail » se traduirait en investissement accru de la part du personnel en emploi.
Chez vous, le travail est plus à « défi mental » qu’à « épuisement mental », pour qui doit l’exécuter?