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Ce que plusieurs ont appelé le « vice krugmanien »

Reinert (2004), après avoir traité du « vice ricardien » (voir mon post précédent), fait mention de ce que « plusieurs ont appelé le ‘vice krugmanien’ », qui consiste à « disposer de théories économiques plus appropriées – comme celle des échanges commerciaux – mais à refuser d’employer leurs principes aux politiques économiques du monde réel (courant) ».

Les managers, sans parler des professeurs, chercheurs et consultants en gestion de l’organisation, disposent, très souvent, de « théories plus appropriées », pour traiter de problèmes inhérents à l’activité et aux affaires de l’entreprise, sans y recourir. Ils préfèrent s’en tenir aux « faux modèles » de « conception pratique » (celle qui les avantage), pour soutenir leurs thèses les plus « profitables » personnellement.

Ainsi, on dira, que les dirigeants, sans exception, méritent une rémunération à la mesure de leur performance personnelle aux commandes de l’entreprise, même quand les faits démontreront clairement que leurs entreprises régressent en valeur économique et en rang-marché dans leur secteur de référence. Quand le résultat d’exercice sera supérieur aux prévisions, ils seront individuellement les seuls vrais responsables de celui-ci, mais quand le contraire surviendra, alors le contexte économique, les conditions réglementaires ou la non-productivité du personnel en sera directement et entièrement responsable.

Étrangement, les entreprises sont généralement disposées à investir très largement en recherche et développement de produits et de marchés, sans l’être tout autant en savoirs, savoir-faire et savoir-être du personnel, pour ajouter à leur résultat d’exercice. Or, tout ce que l’entreprise réussi à produire est le fait du personnel. En fait, le résultat du savoir, du savoir-faire et du savoir-être du personnel. Rien n’est l’effet d’une génération spontanée, quelque soit la force de volonté pour y croire de la part de la direction de l’entreprise. Et la performance à la tâche du personnel, qui répond de la valeur finale de l’entreprise, sera à la mesure de son engagement au travail. Un engagement qu’une masse de dispositifs d’entreprise contraignent plus qu’ils ne stimulent, et que constate Gallup tous les ans à travers ses enquêtes à ce sujet à l’échelle mondiale.

Bien sûr, il existe, ça et là, des « corporate universities », pour former le personnel des entreprises qui les ont instituées. Mais on compte à peu près aucun centre de recherche en entreprise, en ce qui concerne les voies et moyens de l’engagement du personnel au travail. Par contre, toutes les entreprises, ou peu s’en faut, sont prêtes à verser à répétition des honoraires pharaoniques aux « number crunchers » qui se pointeront, pour calculer, par le menu, et donc sous tous leurs angles, même les plus inutiles, les rendements sur quelque aspect que ce soit de leurs opérations courantes et passées.

Les dirigeants d’entreprise, pas plus d’ailleurs que les économistes qui succombent volontiers au « vice ricardien », ne sont facilement disposés à cesser de donner tête baissée dans le « vice krugmanien ». Les idées fausses, derrière leurs modèles sans fondement de l’économie et de l’entreprise, leur suffisent à perpétuer l’impression de valeur ajoutée aux faux concepts de la performance qui servent si bien leurs intentions de continuer longtemps à profiter de leur situation de contrôle sur les naïfs qui leur prêtent écoute.

Si seulement les gens se donnaient la peine de s’informer, de lire et d’analyser, sans doute que le monde de l’économie et de l’entreprise se porterait mieux, c’est-à-dire à l’avantage du plus grand nombre au lieu de ne servir que les intérêts immédiats et insatiables du plus petit nombre. Et le fait d’invoquer comme une fatalité que les autres ne nous ont pas informé des choses de l’économie et de l’entreprise ne tient pas la route, dans un monde aussi foisonnant de sources autorisées à tous les égards (et ne font pas nécessairement partie de ceux-là les médias sociaux à large bande de diffusion de conneries patentées).

Chez vous, en entreprise, on « se défait de ceux et de celles qui pensent à rebours l’intérêt des autres », ou « on se contente de maintenir en place ceux et celles qui savent profiter de l’immense crédulité des naïfs du système »?