Gingras (2022) cite Richard Dawkins qui dit ceci: “Si une comète frappait la Terre et anéantissait les mammifères, une nouvelle faune se lèverait pour remplir leurs chaussures, tout comme les mammifères ont rempli celles des dinosaures il y a 65 millions d’années. Et la gamme de rôles joués par la nouvelle distribution du drame de la vie serait similaire dans ses grandes lignes, mais pas dans les détails, aux rôles joués par les mammifères et les dinosaures avant eux, et les reptiles ressemblant à des mammifères avant les dinosaures.”
Les entreprises vivent dans un système (nature) qui subit, au fil des cycles économiques, et plus encore des générations d’innovations technologiques, des chocs du type des comètes frappant la Terre. Ce qui explique, que d’une époque à l’autre, elles ne se ressemblent pas tant qu’elles ne s’éloignent des modèles antérieurs. Au point, souvent, d’être si différentes que, depuis le début des années 1990, on parle d’industries (secteurs) complètement différents. Dans le monde particulier de l’informatique, on parle, depuis 1965, de la Loi de Moore. Moore avait constaté que la « complexité des semi-conducteurs proposés en entrée de gamme » doublait tous les ans à coût constant depuis 1959, date de leur invention. Il postulait la poursuite de cette croissance. Entre 1971 et 2001, la densité des transistors a doublé chaque 1,96 année. On dit, plus communément, que le doublement de produit tous les 18 mois. En somme, que toutes les années et demie, la face de l’industrie aura tellement changé, qu’il deviendra impossible à ceux et à celles qui y oeuvraient hier de demeurer demain concurrentiels, à compter des mêmes habiletés qu’ils avaient d’exécuter leurs mandats d’emploi.
Or, la vaste majorité des entreprises, qui se targuent toutes d’être hautement innovantes, suivent très exactement la meute des instigatrices de changements dans leur industrie de référence propre. En d’autres mots, elles retardent sur la concurrence. La vie de leur industrie est similaire dans ses grandes lignes (l’informatique demeure l’informatique), mais pas dans les détails (la pratique de l’informatique n’est plus ce qu’elle était dans le passé récent). Ce que cela illustre, très fidèlement, bien que trop souvent ignoré, c’est que les entreprises “suiveuses de marché” sont celles qui, depuis l’invention de l’expression, pratiquent, consciemment ou non, le benchmarking. La pseudo formule d’importation des meilleurs pratiques managériales, commerciales et technologiques des autres, en vue d’une application suite à une soi-disant adaptation à leurs besoins. Ce qu’elles font, de fait, c’est tout bêtement demeurer les mêmes, dans un contexte (environnement) qui, lui, impose une toute autre nature de leur part.
Au lieu de pratiquer à qui mieux mieux le benchmarking, elles feraient mieux d’apprendre à pratiquer le breakmarking, soit la technique de la différenciation disruptive d’espèce, que commande leur environnement distinct de marché.