Les Américains sont particulièrement portés sur les déclarations vides d’application, bien que, apparemment, empreintes de nobles intentions, du genre à insister sur l’entraide (communautarisme), la paix et l’ordre (sociabilité), la démocratie (politique) et le travail (économie). Or, à y regarder de près, on constate qu’ils sont plus forts encore en dissonance cognitive qu’en sens critique de leur réalité. Ils vivent, comme l’a illustré Kurt Andersen (2017), dans le “Fantasyland” de leur création. Ils voient des conspirations partout, imputées aux autres, ceux qui présumément les voudraient perdre leur pari de “rêve américain”, et ignorent, sans vergogne, celles de leur confection constante à l’égard de leur société.
À l’heure du franc choix de société, que sonne de toute urgence (même si la cécité marque l’esprit du plus grand nombre) l’élection de novembre 2022, la majorité endormie des Américains n’a pas pris suffisamment conscience du risque de basculement du régime démocratique défendu par les Démocrates vers le régime dictatorial que leur proposent les Républicains. Faut-il vraiment s’en étonner? Dans une société où l’Évangélisme dicte les valeurs de comportement de chacun ou presque, et où la seule valeur qui compte est l’argent, tout peut être affirmé sans être appliqué. D’ailleurs, les lois et réglementations, comme les tribunaux, aux États-Unis, sont moins des instruments d’avancement de la condition humaine, que des mécaniques de dispute du pouvoir absolu de la minorité au détriment de la majorité. Les principes sont avancés fièrement, mais les fonds pour les faire respecter sont coupés férocement. Tout est affaire d’argent, d’économie et de profit… pour soi.
Étrangement, comme le montrent les tableaux ci-contre, la masse des Américains ne sait pas faire la différence entre qui leur procure du bien et qui leur vaut du mal. Depuis près de soixante-dix ans, les Démocrates ont présidé à une économie en meilleure santé et assurés plus de création d’emplois, que les Républicains au pouvoir. Malgré les statistiques qui le prouvent, la majorité des électeurs placent l’argent (pardon l’économie – ça fait plus noble) en tête de lice des intentions de vote. Et, par la magie d’Andersen, celle de la fantaisie (pour ne pas dire du délire collectif), ils imputent aux Républicains plus de savoir-faire en économie qu’ils n’en attribuent aux Démocrates. Comme quoi, le “socialisme”, associé aux Démocrates, fait largement plus peur que le “fascisme”, nettement associé aux Républicains.
Les Américains vivent dans l’illusion des valeurs (dont la démocratie, le droit et la constitution), et dans la réalité de l’argent (celui du pouvoir politique en particulier). Ce qui explique que 63 millions d’entre eux agissent comme s’ils réclamaient à cor et à cri une dictature en lieu de la république de Franklin (1787). L’issue de l’élection qui s’en vient dira si la sagesse ou l’ineptie décidera du sort d’une société encore profondément malade d’elle-même.
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