Le Texier (2022) rappelle ce que Harrington Emerson (éditeur du Engineering Magazine, 1911) disait de ‘la science du management’ qu’elle “utilise l’ingénierie mécanique, l’économie, la sociologie, la psychologie, la philosophie, la comptabilité… et fusionne ces sciences en un corpus scientifique distinct qui lui est propre”. Le Texier ajoutera que “Les managers entendent gouverner l’humain comme les physiciens gouvernent la matière, dans la même connaissance des faits et de la même indifférence pour les bagatelles morales, historiques et politiques.”
Pour ma part, le management n’est ni une science ni un art, mais un vécu, une expérience humaine (non reproductible et non plastique) de service aux humains. Soit, il recoupe une foule de disciplines différentes, donc celles énoncées plus avant, parce que les interfaces, interactions et interrelations entre les humains qu’il suppose commandent qu’il en soit ainsi. Ce qui a tendance à faire prendre le management comme un instrument de traitement scientifique des besoins et attentes de l’humain, que l’entreprise qui en use a mandat implicite de satisfaire. Le problème, c’est que la direction de l’entreprise, par “management scientifique” interposé, finit par faire une fixation chronique sur le recours à des lois (formules) de toute sorte, pour disposer de questions qui, dans le cours normal des choses, relèvent des émotions de l’humain. La soi-disant “science du management” fait reporter au second plan la “conscience” de l’entreprise, comme mécanique économique de service social à l’humain. L’aliénation de l’humain (personnel et client ensuite) en découle, qui fait substituer la fin de l’entreprise par les moyens de l’activité et des affaires.
Bien que de nombreuses disciplines doivent entrer en perspective, dans le management quotidien de l’activité et des affaires de l’entreprise, il demeure que l’essentiel de la démarche de service de cette dernière tient plus de la “conscience de l’autre” que de la “science de l’un”. Ce que la propension à dégager du profit pour soi (la direction), au détriment de l’amélioration de la condition de l’autre (le personnel et le client), entraîne, dans une entreprise à “management scientifique et économique” d’abord au lieu d’une entreprise à “conscience humaine et sociale” avant tout. Si le matériau de référence première, dans l’entreprise humanisée, était “la conscience de l’autre”, sans doute que “la science des autres” y trouverait un meilleur usage.
Ce qui manque, dans l’entreprise, c’est une conscience humaine plus convaincante de sa fin sociale, pour ce qui y est trop manifeste, une science bornée par l’usage de ses voies et moyens économiques.
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