D’Espagnat (2015) remarque “qu’il serait nécessaire que les spécialistes en divers champs de pensée aient les uns avec les autres plus de communication que ce n’est actuellement le cas”. Il y a “incompatibilité de notions de base, de langage, conceptions diverses de la rigueur, tout conspire à rendre l’entreprise vraiment ardue”. Pourtant, “ni l’esprit, ni le monde ne sont… cloisonnés en compartiments”. “Or, en ce qui concerne, du moins, la science, celle-ci ne progresse dans la voie de l’universalité qu’elle vise que par un incessant travail d’affinement et de généralisation de ses principes”.
Le management n’est ni une science (inductif : savoir/méthode/observation/validation = rationnel/empirique) ni un art (créatif : activité/rupture/intuition/plasticité = émotionnel/personnel). C’est un vécu (déductif : application/psychologie/économie/apprentissage = relationnel/fonctionnel). En fait, c’est une expérience humaine, qui ne se répète jamais, dans les mêmes formes et sur le même fond. Rien n’est transposable, même si, théoriquement, tout peut être adaptable. Le management est une disposition d’esprit, devant tendre à comprendre les situations et à user de jugement pour les résoudre de manière responsable. Et rien n’est plus responsable, en la matière, que ce qui économisera sur la solution tout en résolvant de manière optimale le problème.
Et pour traiter de problèmes, encore faut-il qu’il y ait entendement commun des ternes utilisés pour les situer, les appréhender et les solutionner. Or, il y a, en management, comme en science selon D’Espagnat, “incompatibilité de notions de base, de langage, (et) conceptions diverses de la rigueur”; “tout conspire à rendre l’entreprise vraiment ardue”. Il manque de consilience, dans les disciplines auxquelles il fait appel, pour donner corps à sa pensée et à son action. Et la consilience, ici, doit être comprise dans le sens d’E. O. Wilson: la tentative de donner un cadre théorique nouveau et commun aux sciences (sociales et naturelles) et aux humanités.
Pour l’heure, “l’esprit (et) le monde sont cloisonnés en compartiments”, dans l’entreprise, faute d’un management de consilience donnant lieu à un fonctionnement normal des relations sociales permettant l’accomplissement des personnes et des tâches, dans le sens d’une mission d’optimalité de service au client. Le langage de l’entreprise, partant de son management, est vicié par des considérations financières, intéressées à autre chose qu’à la satisfaction des besoins et attentes humaines de base. Tout n’y progresse pas “dans la voie de l’universalité… d’un incessant travail d’affinement et de généralisation” du principe d’humanisation des rapports entre les personnes. Tout y concourt à l’appel à des objectifs obscurs d’enrichissement de tiers actionnaires.
La pensée entrepreneuriale se perd en discours faux sur les valeurs de l’engagement au travail. La conception de rigueur y tient de la division des personnes par celle du travail.