Harari (2018) indique que, pour devenir un anthropologue patenté le sujet doit apprendre à observer les cultures humaines de manière méthodique et objective, c’est-à-dire sans idées préconçues ni préjudices”. En somme, l’observateur ne doit pas “polluer” l’objet de son étude, par ses propres considérations, préférences et préoccupations. Ce qui n’est pas le cas, lorsque l’étude est faite de façon aléatoire, sans mesures préalables d’encadrement de la démarche d’observation.
En management, rares sont les observations, en vue de l’évaluation des personnes à la tâche par les superviseurs (comme d’ailleurs par les dirigeants), qui ont fait l’objet d’une série de mesures visant à prévenir les distorsions imputables aux idées préconçues et aux préjudices des évaluateurs. D’ordinaire, on se fie au flair des évaluateurs. On prend pour acquis, que leur dénotation des faits et gestes observés chez leurs évalués est juste. Or, toutes les décisions et tous les actes ne sont pas observés, et donc évalués. Cela dit, nul ne suggère, qu’ils le soient tous. Le coût faramineux de l’exercice doit prévenir ce type d’excès. Par contre, on tiendra également pour excès que des décisions et des actes, parce que non compris dans une méthode systématique et préalable d’observation, pourraient renverser le résultat de l’évaluation du rendement à la tâche chez certaines personnes visées par l’exercice en question.
En somme, sans que l’observateur n’ait conscience de ses biais d’évaluateur, et bien qu’il affirme ne pas avoir d’idées préconçues à l’égard de ses futurs évalués, il demeure, que des distorsions à l’évaluation pourraient, elles, découler de l’exercice, du défaut d’analyse appropriée de décisions et d’actes plus porteurs encore d’incidence majeure sur le résultat de l’activité du personnel. Bien sûr, les erreurs de jugement sont toujours possibles, même lorsque l’on dispose d’une grille préalable d’observation. Mais le risque est alors moindre, qu’en l’absence totale de mesures concrètes d’encadrement de la pratique de l’évaluation du personnel au travail. Ce qui est plus largement répandu qu’on le pense généralement.
Chacun est sujet à l’effet Dunning-Kruger, soit à la surévaluation de soi concurremment à la sous-évaluation des autres. Or, l’évaluation est en soi un jugement comparatif, depuis un étalon de référence donné. Et, donc, à défaut d’une méthode préétablie d’encadrement de la démarche d’observation, aux fins de l’évaluation du personnel, le risque est grand que la comparaison du rendement des évalués se fasse à raison d’un retour sur lui-même de la part de l’évaluateur. Sinon sur son propre rendement, du moins sur sa conception du facteur rendement. Ce qu’une grille neutre de départ aurait contré en bonne partie, sans oblitérer complètement le jugement que supposera au final l’attribution d’une note sur la tâche des autres.
Devenir un vrai manager consistera d’abord à devenir un juste évaluateur des choses et des personnes.