Korsgaard (2009) remarque que « la conscience de soi impose que l’on contrôle ses croyances et ses actions ». Elle définit la « raison » comme un « pouvoir » dont nous disposons, en vertu de « l’auto-conscience ». Soit une « conscience fondée sur les croyances et les actions ».
Cela nous donne, comme humains, une « capacité de contrôle sur nos croyances et nos actions », ce qui nous avantage par rapport aux « animaux ». Mais cela nous désavantage, pour ainsi dire, en ce que nous « devons choisir les raisons pour imputer de l’importance à nos croyances et à nos actions ».
À cet égard, nous emportons une responsabilité personnelle et collective directe sur nos « croyances » et sur nos « actions », en ce que nous devons « trouver des principes normatifs » à ce que nous « croyons » et à ce que nous « faisons ». Et cela entraîne une autre distinction, par rapport aux animaux, en ce que, comme humains, nous disposions de la « faculté d’auto-conception normative » en ces matières. Il découle de tout cela, jusqu’à un certain point, que le fait d’être des humains soit une « aventure » et un « sort » tout à la fois.
En entreprise, plus particulièrement, nous ne pouvons constamment nous dissimuler derrière des excuses de réflexe ou d’erreurs simples d’appréciation du contexte et des conditions de vie qui sont nôtres, pour passer sous silence la responsabilité que nous avons « d’avoir la conscience requise pour contrôler nos croyances et nos actions ». Bien évidemment, nous sommes influencés par ce contexte et par ces conditions. Mais cela n’oblitère en rien « la capacité de jugement » dont nous disposons, pour « être, avoir et agir » (Tardif, 2018), et donc demeurer responsables de nos « croyances » et de nos « actions ». En somme, nous devons être « conscients » de nous-mêmes, après avoir pris « conscience de notre environnement » et de ses « effets sur nous-mêmes ».
La « faculté d’auto-conception normative », dont parle Korsgaard, se résume à cela. Sans quoi, les valeurs et les comportements des humains que nous sommes ne tiendraient plus que du hasard de « l’aventure », alors que nous avons toujours le « sort » de nos responsabilités envers nous-mêmes et envers les autres.
Il arrive, trop souvent, en entreprise, que les conséquences de nos décisions et de nos actes soient interprétées comme des accidents de parcours, alors que ceux-ci étaient fondés sur le bagage de « croyances » qui conditionnaient nos « actions » au départ de nos choix de comportement individuel et collectif. Le management n’est pas un exercice de défoulement, dont l’issue doit être entendue comme une « aventure » sur laquelle nul n’a de prise personnelle ou conjointe. Au contraire, le management est un « sort », qui emporte une responsabilité directe et proportionnelle à nos choix de « croyances » et « d’actions ».
Parce que l’entreprise est un corps social « d’actions » à une fin de service optimal au marché, son management doit se fonder sur des « croyances » à responsabilité personnelle et collective pour chacun assumant son activité et ses affaires. Or, force est de constater, que la « responsabilisation des acteurs » est le cadet des soucis d’un nombre effroyablement élevé de personnes dans l’entreprise actuelle.
La course à la performance fait oublier les « responsabilités propres » de chacun au profit des « avantages individuels » pour tous, tant pour les dirigeants que pour le personnel. C’est tout comme si les « actions » de chacun dépendaient de « croyances » dont aucun n’a « conscience », faute « d’auto-conception normative » en matière de service social optimisé, comme le suppose (voire le commande) la « mission implicite de l’entreprise » (Tardif, 2019).
Chez vous, en entreprise, « la conscience de soi impose le contrôle de ses croyances et de ses actions » comme modus operandi acquiescé pour chacun, ou « l’inconscience fait que tous traitent leurs croyances et leurs actions comme des jeux à somme nulle pour chacun d’autre »?