Frankfurt (1982) dicte que « l’on ne devrait se soucier que de ‘ce que l’on est en mesure de se soucier’ ». À quoi, lui réplique Wolf (2002) : « ne se soucier que de ce que l’on peut se soucier ne dispose pas de ce qui mérite qu’on s’en soucie ». Cela ressemble, si l’on peut ainsi faire ce genre de rapprochement, à l’aphorisme de Kelvin (1883) qui veut que: « quand vous ne pouvez l’exprimer en chiffres, votre savoir (sur la chose) est mince et insatisfaisant ». Or, avant de mesurer quoi que ce soit, encore faut-il savoir ce qu’il y a lieu de mesurer, et donc ce qui « mérite qu’on s’en soucie ».
En entreprise, il est vital se savoir « se soucier » de ce dont il faut effectivement « se soucier », si l’on veut que sa mesure ait un sens, en termes d’amélioration éventuelle du résultat des opérations de cette première. L’efficience, en management, ne consiste pas uniquement, pour les personnes charger d’en apprécier la portée et la durée, de « se soucier » de ce qu’elles « peuvent (de préférence) mesurer », mais à juger de ce qui importera le plus à terme, pour que la mission de l’entreprise soit mieux servie à raison d’un usage optimal des ressources engagées dans son activité et ses affaires.
En somme, l’impératif de mission impose à l’entreprise de « se soucier » de ce qui importera pour son service au marché. Parce que cela correspondra à ce qu’elle doit assurer, par la mesure de son efficience, pour assumer son utilité finale face au marché. Autrement dit, tout « ce qui mérite qu’on s’en soucie ». Or, parmi ce qui « mérite qu’on s’en soucie », dans l’économie dématérialisée qui est nôtre, il existe de plus en plus de facteurs d’incidence profonde et durable sur l’avenir de l’activité et des affaires de l’entreprise que l’on n’arrive pas à justement « mesurer ».
Ce n’est pas la mesure des choses qui compte véritablement, en termes d’amélioration éventuelle sur le résultat des opérations de l’entreprise, mais les choses qui doivent retenir notre attention, même si leur quantification échappe à notre capacité de « chiffrement ». Ainsi, la satisfaction du client n’est pas, comme telle, mesurable de manière directe et absolue. On ne peut que l’apprécier indirectement, notamment pas la récurrence et l’ampleur de sa demande. Pourtant, ce type de mesure est indispensable à la réponse adéquate de l’entreprise au besoin de consommation du client. Mais l’entreprise ne peut la mesurer avec exactitude. Ce qui ne doit pas signifier, que l’entreprise devrait cesser de « s’en soucier », parce qu’elle n’est pas capable de la mesurer avec autant de justesse qu’elle ne peut le faire avec ses dépenses d’exploitation propres. La satisfaction du client « mérite qu’elle s’en soucie ».
En gestion interne de l’activité, l’entreprise fait également face à un nombre inouï de facteurs qui échappent à sa capacité de mesure exacte. La transparence de la gouvernance (1), la décentralisation du pouvoir de décisions (2), la reconnaissance des apports du personnel au résultat (3), l’éthique des affaires (4), l’équité de traitement (5) et l’imputabilité des acteurs (6) sont au nombre des facteurs (variables) qui ne peuvent être mesurés directement et fidèlement. Ce serait un tort grave de ne pas « s’en soucier », penseraient la majorité des dirigeants, si on leur posait la question crument. Pourtant, il n’existe pas d’indicateurs de mesure en la matière, dans la vaste majorité des entreprises. Est-ce à dire, que les entreprises ne se « soucient » que de ce qu’elles pensent pouvoir mesurer plus facilement? Ou est-ce là l’indication que les entreprises ne « se soucient que de (ce qu’elles pensent) qui mérite qu’elles se soucient »?
Chose certaine, l’entreprise, quelle que soit sa taille, et quel que soit son secteur, a tout intérêt à mieux prioriser ce qui doit faire l’objet réel, étroit et constant de sa préoccupation managériale. Et l’ensemble des facteurs mentionnés plus avant sont au nombre des variables, à très haute incidence de résultat sur ses opérations courantes, qui « méritent » qu’elle « s’en soucie » plus et mieux.
Chez vous, en entreprise, « la direction se soucie des facteurs qui infléchissent le plus sûrement le résultat sur ses opérations », comme les six variables mentionnées plus haut, ou « la direction ne se soucie que de ce qu’elle pense mesurer avec plus de facilité pour mieux répondre aux intérêts de ceux (les dirigeants) qui l’assurent »?