En management d’entreprise, de nos jours, rien n’est plus valorisé que les modèles d’application pratique, fondés sur le rendement des facteurs de concurrence. Et, à ce chapitre, le profit loge au premier rang des préoccupations de la direction des entreprises. Or, le rendement, le profit sur les opérations, n’est en rien la cause du rang-marché de l’entreprise, mais l’effet de ses modes, méthodes et pratiques de gestion de l’activité et des affaires.
Ce qui est généralement déprécié, en management actuel, c’est la « théorie » à l’avantage de la « pratique » des choses. Or, la pratique ne vient qu’après la conception des choses, sans quoi ce qui résultera des actions ne correspondra pas à l’idée que l’on pouvait (devait) s’en faite au départ des projets. De fait, le management est une mise en pratique des idées que l’on se fait des meilleures avenues de rentabilisation de l’activité et des affaires de l’entreprise. Ce qui suppose déjà, que l’on saura maîtriser les notions sur lesquelles seront construits les projets que l’on voudra mettre de l’avant pour rentabiliser les ressources engagées dans les opérations y menant.
Le management, à cet égard, est un processus de formulation de projets, dont les éléments de construction auront été puisés dans l’expérience des faits de marché de l’entreprise. En somme, pour « créer » de la valeur additionnelle, l’entreprise doit, à travers son management de la ressource disponible, en vue d’exécuter ses projets d’activité et d’affaires, comprendre le contexte de concurrence de son marché. À compter de quoi, elle va décider d’une procédure à suivre pour « gérer » ses projets de manière efficiente. Ce qui suppose, qu’elle devra « mesurer » son résultat d’exercice. Mieux, elle devra, pour demeurer concurrentielle, « améliorer » sa performance sur cycle de vie entier. Or, cette performance lui imposera de se « comparer » aux meilleures dans son secteur de référence. Parce que « rentabiliser » son service au marché lui commandera de se classer dans le premier décile de son secteur propre.
C’est en ces termes que la majeure partie des dirigeants d’entreprise abordent la « pratique » du management aujourd’hui. Or, toute pratique repose sur une décision d’action, qui, pour être efficiente, doit d’abord découler d’une théorie ferme, c’est-à-dire proprement maîtrisée. En d’autres mots, il n’est pas de bon « praticien » qui ne doive d’abord être de bon « théoricien ». D’ailleurs, Lewin (1947) avait compris que « rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie ». Ce que Boileau (1636-1711) avait dit en d’autres termes : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Pour sa part, Polanyi (1956) avait parlé de « connaissance tacite » (la théorie) et de « connaissance explicite » (la pratique).
La « pensée », qui est la cause de l’action éventuelle, précède « l’énoncé », qui est la conclusion des idées portées par chacun. Or, en management d’entreprise, l’efficience des projets d’activité et d’affaires ne peut découler que d’une « maîtrise » préalable des idées sur lesquelles ils se fondent, dont la « formulation », avant « publication », assurera une « application » à valeur ajoutée.
Le plus triste, de nos jours, c’est qu’au moment où on se décarcasse pour introduire de « l’intelligence artificielle » dans le corps d’exécution de l’activité et des affaires de l’entreprise, on laisse de moins en moins de place à « l’intelligence humaine ». On apprécie la portée « pratique » de la première, qui pourtant n’a pas de valeur propre de service au client à défendre, et on déprécie la portée « théorique » de la seconde, qui pourtant est la seule capable de répondre aux affects humains inhérents au service du client.
Étrangement, on estime la « pratique » plus importante que le « théorie », alors que la première suit la deuxième dans l’ordre humain de la maîtrise des projets d’activité et d’affaire au sein de toute entreprise. En inversant la séquence de traitement des idées, à la base des projets de l’entreprise, la direction et le personnel supposent, ce faisant, que « l’application » efficiente des concepts du management de l’activité et des affaires sera mieux assurée avant d’avoir « maîtrisé », « formulé » et « publié » celles-ci de manière intelligible. De fait, « l’efficience du management » ne découle pas du résultat des projets, mais de la maîtrise des idées qui leur donneront corps. Ce qui veut dire que, pour ajouter de la valeur pratique à ses opérations, l’entreprise devra d’abord ajouter de la valeur théorique aux concepts qui lui permettront d’en matérialiser le résultat financier attendu.
Rien n’est plus efficient, en management, qu’une pratique fondée sur une théorie maîtrisée des idées derrière les projets d’activité et d’affaires concurrentielles. S’ébrouer, en actions, n’est pas se rendre utile en résultat d’opérations, dans quelque entreprise que ce soit. Pourtant, la vaste majorité des entreprises actuelles préfèrent, et de loin, des « praticiens » du n’importe quoi aux « théoriciens » de l’efficience managériale. Or, en management d’entreprise, il n’est pas de césure entre « théorie » et « pratique », mais qu’un continuum de rendu d’intelligence entre la « construction » de départ des idées derrière les projets et la « simplification » de leur application en résultat d’exercice. Et si en management d’entreprise les idées étaient mieux « maîtrisées », sans doute que les projets auxquels elles donneraient vie seraient mieux « énoncés », partant mieux « créés », mieux « gérés », mieux « mesurés », mieux « comparés » et mieux « rentabilisés ».