Dejours (2006) indique que « Les vrais éléments du travail consistent en tous ceux liés à la réalité concrète de la tâche, lesquels ne peuvent être anticipés, régulés et coordonnés d’avance ». Ces éléments du travail peuvent être autant sociaux que matériels. Et ils se situent dans l’interstice entre les règles (politiques de gestion) prescrites et les conditions réelles (modalités du travail) de l’exercice de la tâche dans l’entreprise. En quelque sorte, ces règles et conditions flottent entre ce qui est attendu, pour ne pas dire exigé, par le cadre de référence managérial décidé par la direction et la réception (perception autant qu’adhésion) qu’en auront les membres du personnel. Cela donne lieu au comportement des acteurs-preneurs à l’activité et aux affaires de l’entreprise, que sont les membres du personnel, lesquels doivent vivre et donc s’ajuster aux dites règles et conditions de fonctionnement prescrites par la direction de l’entreprise.
Or, non seulement il peut y avoir un fossé de compréhension entre les règles de gestion énoncées et les conditions de la tâche appliquées, mais, la perception des deux donne généralement lieu, dans l’entreprise-type, à des interprétations dissonantes entre la direction et le personnel. Cette dissonance peut être atténuée, si d’office des systèmes de communication efficients existent, entre la direction et le personnel, pour éviter que l’écart d’entendement entre le prescrit et l’appliqué ne donne prise à un éloignement trop prononcé des intérêts mutuels entre eux deux.
Remarquons que la pratique de la communication, si fréquente et si extensive qu’elle soit, ne remplacera jamais le partage de la décision sur l’activité et les affaires de l’entreprise, seule capable de réconcilier les intérêts entre la direction et le personnel au chapitre des règles et des conditions du travail. La mobilisation à la tâche, que l’on dénomme l’engagement résolu au travail, supposera toujours, si la gestion des règles et des conditions d’emploi sont laissées entièrement à la discrétion de la direction, une dose de « subjectivité dans l’interprétation » (Deranty, 2009) des choses de l’entreprise par le personnel.
Or, l’entreprise est (devrait être) un lieu de raccordement étroit des intérêts entre chacun assigné aux mandats d’activité et d’affaires qu’elle doit assumer, pour demeurer efficiente en marché. Ce qui ne suggère pas, que la fin de l’entreprise soit d’ordre financier, mais que son fonctionnement, lui, doive être économique, pour que sa mission implicite de service au client soit dûment satisfaite. Et cette mission commence dans l’environnement interne de l’entreprise, là où s’ordonnancera l’activité requise pour répondre au besoin socio-psychologique de mieux-être du client à servir.
En fait, la mission de l’entreprise ne s’accomplira jamais de manière finale, bien qu’elle doive être satisfaite dans le sens de l’avantage que suppose le service optimal (et donc d’avantage) au client. En d’autres mots, la mission ne peut se satisfaire qu’à travers une transaction conclue, et donc à compter du prochain client; sans quoi elle perdrait son sens d’application. Et l’avantage du client suppose une optimisation de la ressource engagée par l’entreprise pour le servir.
Ce qui renvoie à l’idée du confort socio-psychologique du personnel au travail, lequel assure, par son service à l’avantage du client, le mieux-être attendu par ce dernier dans le sens même de la satisfaction de la mission de l’entreprise. Et le meilleur moyen d’assurer une « réalité concrète de la tâche », dans le sens de l’intérêt des acteurs-preneurs à l’activité et aux affaires, ce n’est pas de forcer ceux-ci à « anticiper » « les éléments du travail », mais de leur permettre, par la prise de décision autonome sur l’exécution courante de leurs mandats d’emploi, de « réguler » et de « coordonner » eux-mêmes les voies et moyens d’accomplissement de ceux-ci, pour assurer la satisfaction de la mission de l’entreprise.
Rappelons, pour mémoire, que les « éléments du travail » ne sont pas limités aux seules dimensions techniques de la tâche, mais comprennent également les aspects socio-psychologiques du travail, que sont le contexte et les conditions d’emploi. Ce qui suggère, très nettement, que la gestion participative soit la solution la plus pertinente qui soit comme mode de gérance de l’activité et des affaires de l’entreprise. Et la gestion participative, sans le partage équitable du risque, de l’effort et des retombées, c’est de la « frime » pure et simple.
Chez vous, en entreprise, « la réalité concrète de la tâche » dérive des « éléments du travail » sur lesquels le personnel a directement prise, ou des « règles » (politiques de gestion) et des « conditions » (modalités du travail) décidées par la seule direction de l’entreprise?