Cashman (2017) cite le Dhammapada : The Sayings of the Buddha de Thomas Byrom (1481-1526) (version de 1976) où l’on retrouve ceci : « En vous il y le calme et le sanctuaire de retraite où vous retrouver chaque fois. » (Le Dhammapada est le texte le plus célèbre des recueils qui composent le canon bouddhique “pâli”, contenu dans le Tipaka, dont la transcription en sanskrit est Tripaka, les “trois corbeilles”, et où sont réunis les discours et enseignements du Bouddha historique. Il s’agit ici du Sutta Pitaka – ou Sutrapitaka -, l’exposé de la doctrine. Ces Écritures forment la base du bouddhisme; elles sont parfaitement respectées encore, comme depuis l’origine.)
Notre époque (celle occidentale plus spécifiquement) est celle de la connexion tous azimuts. Nous ne vivons, nous ne nous exprimons et nous ne nous valorisons qu’à travers un entrelacs compliqué de connexions en tous sens et à tous venants. Ce qui nous empêche, tout un chacun, de nous retrouver tel qu’en nous-même, en revenant vers le soi profond du « sanctuaire » de notre condition propre.
Nous sommes à ce point orienté-stimulation, pour ne pas dire simulation, que même notre bonheur est associé aux émotions qui nous viennent de la distraction de nos rapports artificiels avec le réel. De fait, on vit dans le virtuel des contenus d’échange, par médias sociaux interposés, comme si par les autres, on escomptait prendre congé de nous-même. Nous sommes stimulé par la prolifération des messages, qui nous parviennent de l’appareillage électronique, dont nous nous entourons, pour ne pas, justement, souffrir d’être laissé seul avec nous-même.
Le monde manque de « retraite » pour, par et en lui-même, qui lui permettrait de faire le point, dans le « calme » de la réflexion (méditation) sur son état profond, en vue de se retrouver. Chacun s’évertue à sortir de lui-même, ce qui lui évite de prendre conscience de qui il est véritablement. On passe vite au récit de soi-même, par média social interposé, et à grande diffusion, comme si le storytelling de sa personne suffisait à révéler qui on est profondément.
Tous, nous cherchons à devenir des « doers », au lieu d’assumer les « beings » que nous aurions dû demeurer. Descartes peut ravaler son « je pense, donc je suis », parce que nul n’est plus disposé à s’analyser lui-même tellement il est préoccupé à blâmer quelqu’un d’autre.
Le chaos s’installe partout, ou presque, dans l’enfer d’un discours traversé par les contradictions de chacun, alors que le calme est sublimement requis pour que tous, enfin, nous en arrivions à mieux vivre dans le partage universel une pleine humanitude.
Thomas Merton, dans In No Man Is an Island, dit : « I do not need to see myself, I merely need to be myself ». En d’autres mots, si on voulait retrouver un « calme de sanctuaire de retraite », au lieu de pourchasser des plateformes de proclamation de nous-mêmes, sans doute que nous vivrions plus en concordance émotive les uns avec les autres qu’en dissonance cognitive avec le reste des autres.
En entreprise, on sent combien fait défaut le retour sur soi-même, par chacun, et combien manifestes sont les sorties de sa condition propre, pour chacun. Tous se veulent grands seigneurs de l’enseignement aux autres, par le contrôle du discours, comme si tout un chacun était l’exemplarité d’état d’être maîtrisé pour les autres.
Or, sans le « calme » du retour sur soi-même, il n’est pas de réflexion appropriée pour la juste maîtrise de soi. Et donc, tout continue de tendre vers la déportation de ses émotions sur les autres, au lieu d’aller dans le sens d’une réconciliation de soi-même avec les autres.
Chez vous, en entreprise, on se « calme » pour se retrouver soi-même, ou on « s’agite » pour contrôler les autres?