Cashman (2017) cite Stephen Hawking qui dit: « L’intelligence c’est l’habileté de s’adapter au changement ». Cashman relate une rencontre avec David Prosser, ancien Chairman de RTW, dont le fond des échanges aurait tourné autour de l’idée suivante : « Change Yourself… Change The World ».
En fait, se changer d’abord aura toujours été l’impératif des vrais instigateurs du changement, dans quelque discipline humaine que ce soit. C’est parce que la personne change son mode d’évaluation et d’implication dans le monde, qu’elle se change ce faisant, et par la suite, peut agir sur ce dernier en le transformant à son tour. Rien n’arrive par enchantement, sauf ce que l’on impute à sa « fausse compétence », ou à celle des autres. Le reste, ce qui transfigure réellement le monde, n’aboutit que parce que l’on s’est mis en frais de le transformer. Mauboussin, dans ses excellents ouvrages sur la chance (2012) a déterminé, quel que soit le domaine d’activité ou d’affaires considéré par ailleurs, que les habiletés des personnes ne comptaient en moyenne que pour 14 % du résultat alors que la chance elle comptait pour 84 % de celui-ci.
Ce n’est pas parce que tout le monde se targue d’être (super) compétent, que l’ordre des choses s’en trouve automatiquement renversé. Nous ne sommes pas « compétent », ni au sens familier du terme ni au sens professionnel de celui-ci, mais fichtrement chanceux de ne pas avoir à tout reprendre à zéro des techniques, technologies, concepts et organisations du monde, chaque fois que l’on veut réussir un projet personnel ou professionnel.
La chance, celle dont on ne tient pas compte dans nos congratulations propres du succès, c’est de partir d’un construit social et économique, souvent politique et écologique, qui nous permette de réaliser plus rapidement et donc plus facilement nos projets, que les moins fortunés de situation ailleurs sur la planète. L’intelligence de l’adaptation, à cet égard, supposerait, qu’avantagé plus que les autres, nous nous adaptions mieux et plus fréquemment, en vue de contribuer à l’avancement accéléré du reste du monde.
Le problème, c’est que chacun ou presque se dit seul auteur de ses succès, et irresponsable de ses échecs. Ce qui n’est pas une preuve éblouissante d’intelligence, en matière d’adaptation face au changement nécessaire à l’amélioration de la condition générale du reste du monde, dans le sens où vraisemblablement voulait en traiter Hawking. L’aphorisme du savant ne tient pas de la « rocket science », mais du « gros bon sens à cinq cent » (expression québécoise, pour dire à la portée de tout un chacun). Il demeure, que peu ne semble s’adapter au changement que forcé de le faire par les événements. Ce qui suppose, que le changement vienne alors des autres; et ceux-là, qui conditionnent la vie du reste du monde, sont peu nombreux. Or, jusque-là, nul n’a prétendu, que les changements amorcés par le plus petit nombre soient utiles aux autres.
En entreprise, comme en politique, on voit souvent des « changements » amorcés dans l’intérêt (et dans l’intention, avouée ou non) de décevoir les autres. En pareille instance, sans doute que Hawking n’aurait pas inclus ce genre dans son registre du « changement intelligent ». Comme quoi, il y a « habileté » et « sordidité » dans l’agissement humain, que l’avancement de la condition du monde, implicite dans la pensée de Hawking, ne saurait confondre.
Chez vous, en entreprise, on « intelligifie le changement », ou « on abrutit par le changement »?