Cashman (2017) cite Janet Feldman qui dit : « Le changement n’est que l’interaction des forces entre la création et la destruction ». De fait, si le changement est l’avancement de sa condition, tout le monde devrait le rechercher activement. Or, le changement, dont Héraclite d’Éphèse a dit qu’il était la seule chose « permanente », ne fait pas que reposer sur l’innovation, qui est l’état postérieur des choses, mais émerge avant tout de la destruction de celles-ci, qui est l’état antérieur de leur condition nouvelle.
La fleur qui éclot « détruit » le bulbe qui la portait au départ. Le papillon qui s’envole, et déploie la merveille de ses couleurs par ses ailes, « détruit » la chrysalide qui l’a enveloppée.
Nos hésitations à changer nous viennent de la crainte de l’inconnu de situation, depuis le remplacement du connu de notre état propre. Ce qui situe le changement accompli, comme stade d’évolution, à la jonction d’un donné d’hier et d’un appréhendé de demain. En quelque sorte, le changement est une réalité que la décision du passage de son état passé à son état futur confirmera en réalité avérée. Mais avant ladite décision, rien n’indiquera, de manière certaine, quel sera le résultat de ce passage de condition propre.
En entreprise, une profusion de managers ne reçoivent (n’acceptent) le changement, que lorsqu’il s’impose à eux. Rarement, ils ne le décident comme tel. Ce qui ne suppose pas, qu’ils se reconnaissent « dépassés » par l’enlisement de leur indécision. Au contraire, après avoir observé le changement chez les autres, et l’avoir évalué en avantages nouveaux de condition pour leur entreprise, ils se disent « les premiers » à y adhérer. Une contradiction dans les termes, qui ne les gênent aucunement à s’affirmer « grands innovateurs », inconscients de leur résistance au changement avant quiconque.
Or, suivre le mouvement n’a jamais signifié le précéder. Et on ne change pas en rééditant ce qui déjà existe. Parce que changer veut effectivement dire n’être plus ce qui fut, mais être ce qui sera. Ce qui n’est pas un exercice de sémantique pure, mais une notion de management pratique, en entreprise qui s’assume, parce qu’elle aura conscience de sa condition et de l’impératif que lui imposera le marché de la changer.
Le changement de Feldman est en fait celui de Schumpeter. Pour ce dernier, l’innovation, partant le changement d’Héraclite, n’est rien d’autres que la « destruction créatrice ». Laquelle désigne le processus à l’œuvre, dans les économies modernes, qui produit la création de nouvelles activités par la disparition de précédentes. On n’a rien sans rien, en économie, comme en management. Et donc, le changement, par l’innovation, exige temps, effort et coût. Ce qui répugne aux attentistes du résultat garanti d’avance, lesquels préfèrent ne pas dépenser au préalable d’eux-mêmes ou de leurs structures organisationnelles de production pour « changer ».
Le problème, c’est que la fausse désignation des choses ne change pas leur nature. Et suivre la cohue ne se confond pas avec mener la marche du changement!
Chez vous, l’entreprise « crée pour détruire » ou « est détruite avant de créer »?