Smythe (2016) insiste sur les tournures du langage, en management, en évoquant les dimensions militaires et religieuses d’un discours d’entreprise qui confine, par son fond et par sa forme, tout jugement critique à la soumission et à l’adhésion inconditionnelle pure et simple. Or, le travail, qui n’est jamais décidé d’avance, même s’il est prescrit au départ des projets, présente des imprévus d’exécution, parce que s’il en était autrement, il perdrait son sens premier. Il est un travail, parce qu’il suppose un effort de considération, par la concentration du talent de son exécutant, sur la matière à transformer, s’il doit permettre d’atteindre le résultat d’exercice désiré par l’entreprise. Sans quoi, il ne s’agirait plus d’un travail, mais d’un simple déplacement de matière première, en composition connue d’avance et en résultat final appréciable dès avant l’exécution des mandats d’emploi de chacun.
Ce n’est pas d’un langage forgé à raison d’une sur-pratique du management de type “command-and-control”, dont l’entreprise concurrentielle a besoin, mais d’un langage nettement empreint de “sense-and-respond”. C’est-à-dire, moins d’une langue de bois, que d’une langue vraie, qui sache parler d’intelligence à intelligence humaine, au lieu de livrer de fausses invites à l’engagement des esprits en vue de mieux exploiter le talent du plus grand nombre (le personnel) au profit du plus petit nombre (les dirigeants). Étrangement, si l’on cessait de vouloir tout réformer des structures de distribution du pouvoir dans l’entreprise, par la déclinaison des rangs et des prérogatives qu’on y rattache, pour refonder le langage du management sur des bases d’inclusion des personnes dans le sens du partage de l’activité et des affaires, on en arriverait à stimuler non seulement de l’engagement supérieur à la tâche au sein du personnel mais également du rendement supérieur sur le résultat d’exercice et sur la performance sur cycle de vie de l’entreprise.
Le langage du management, outre qu’il soit invraisemblablement confus, par l’usage intempestif que chacun fait des concepts qui le fondent pourtant clairement en recherche, vise le contrôle des personnes, bien plus que l’engagement des acteurs en entreprise. Or, la fin de l’entreprise n’est pas le contrôle des décisions et des actes, mais le service à l’humain par des humains, dans une perspective de rehaussement de la condition de chacun par la satisfaction de ses besoins propres. Chose qui ne se comptabilise pas, qui ne se statistifie pas, pas plus qu’elle ne se mathématise, par la quantification des mesures d’évaluation du rendement à la tâche du personnel. Ce qui fait le rendement, au final des opérations, dans toute entreprise, c’est l’engagement des personnes à la tâche. Ce que seules des pratiques de management axées sur le “sense-and-respond” peuvent permettre d’atteindre, parce qu’elles reposent sur la qualité des rapports d’égalité entre les intervenants sur l’activité et les affaires de l’entreprise.