Le Texier (2022) dit ceci: “À la grammaire de l’obéissance privilégiée par le chef de l’État, l’officier militaire et l’homme d’Église, le manager préfère l’influence, l’instruction et l’injonction. Manager consiste moins à surveiller, punir et discipliner qu’à former, arranger, contrôler; il ne s’agit pas de contraindre, mais de persuader; non de plier, mais d’éduquer”.
Notons que “contrôler” suppose “surveiller”, sinon au moment des décisions et des actes, du moins au rendu du travail qui en découle. Quant à “persuader” et à “éduquer”, si le manager a assumé pleinement sa fonction de gestion de l’activité et des affaires, au lieu d’enclaver l’être, l’avoir et l’agir du personnel au travail, il aura préféré, à l’embauche comme à la promotion, des personnes parfaitement aptes à accomplir la tâche sans besoin de directives antérieures ou postérieures pour ce faire. Comme l’a prescrit si justement Steve Jobs: ““it doesn’t make sense to hire smart people and tell them what to do; we hire smart people so they can tell us what to do.”
Or, le management, le plus couramment pratiqué, de nos jours encore, est celui de la “contrainte” de l’agir du personnel, sous couvert à peine dissimulé de “l’injonction” de produire toujours plus, pour toujours moins de considération avant, pendant ou après le fait. Si le rôle du manager consistait, in concreto, à assurer au personnel un contexte du travail qui autorise l’actualisation de soi et des conditions générales d’exécution de la tâche qui autorisent l’autonomie des voies et moyens de l’activité et des affaires dans l’entreprise, sans doute qu’il ne serait pas besoin de “former”, d'”arranger” et de “contrôler” ce qui se dépasserait de lui-même. L’efficience de résultat sur les opérations, que recherche le manager, n’est pas une affaire d'”instruction” en vue de la tâche, mais une question de concordance du mieux-être de l’entreprise et du mieux-être du personnel devant la rendre.
On insiste, sans fin, sur l’importance du leadership, dans l’entreprise, parce qu’on présume, inconsciemment, que le personnel doive être stimulé constamment pour élever son engagement à la tâche. Or, le personnel n’a pas tant un urgent besoin d’être “persuadé” de suivre l’exemple des autres, que de sentir que son engagement au travail, lui, est effectivement facilité par le contexte et les conditions de l’expression de lui-même (par son talent). Le management pratiqué d’office, dans la majorité des cas, tient plus du “paternalisme” moral à l’égard du travail à rendre, que de “l’intelligification” sociale, à l’égard de l’accomplissement possible des personnes en instance de le rendre.
Il manque sérieusement d’une écologie de “l’intelligification” des rapports humains au travail, pour que le management de l’entreprise ait l’allure d’une “économie” justifiable du management de son activité et de ses affaires.