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La déchosification et le management

D’Espagnat (2015) dit ceci: “Car le rôle des mathématiques en physique ne se limite pas à celui d’une simple sténographie, autrement dit à un rôle d’écriture abrégée de relations que, si l’on disposait de plus de place et davantage de temps, on pourrait aussi bien écrire dans le langage de tous les jours”. Il ajoute que, au fil de l’évolution des choses: “les nouveaux concepts portent plus loin que les anciens (celui de masse plus que celui de poids, celui d’énergie plus que celui de masse). Ce qui a pour conséquence un phénomène que l’on a parfois appelé un peu improprement une ‘déréalisation’ du monde physique. Le mot est ambigu, ‘déchosification’ serait meilleur”.

En entreprise, le management ne se limite pas à un rôle d’écriture comptable des opérations. Les concepts nouveaux d’organisation de l’activité et des affaires évoluent, qui font “déréaliser” l’importance des rapports entre les acteurs que le vécu du management suppose en entreprise. Il est temps de “déchoséifier” l’entreprise, à commencer par son management, en traitant des modes, méthodes et pratiques en termes humains de tous les jours. Ce qui ne signifie pas tomber dans le simplisme des formules, mais de se mieux comprendre à compter d’une langue mieux partagée et mieux comprise. Ce que suppose le management de l’entreprise devrait pouvoir s’expliquer par le storytelling de sa raison d’être (réponse sociale de mieux-être à la communauté), de ses valeurs (réponse aux attentes d’actualisation de ses acteurs) et de ses voies et moyens d’activité et d’affaires dans le marché (réponse économique aux besoins de ses clients).

Or, l’image que donne généralement l’entreprise d’elle-même tend à rendre sa compréhension de plus en plus complexe, à cause du recours qu’elle fait à des concepts de plus en plus ambigus, pour expliquer qui elle est et ce qu’elle fait. Son discours, empreint de belles notions, livrées de belles manières, s’inscrit trop souvent en faux par rapport aux faits (résultat de ses opérations) de son management. L’entreprise finit par tellement “déraisonner” sur sa nature réelle, qu’on a l’impression qu’elle “déréalise” combien elle “chosifie” tout ce qu’elle semble humaniser par le charme de son discours. Pourtant, la seule véritable “chose” qui l’intéresse ne tient pas du discours de circonstance, mais des faits de vraisemblance. Elle est en quête de profit à tout prix. Et, s’il lui faut “ajuster” son discours, elle aura recours à quelque “alternative facts” pour y arriver. Elle fera alors porter l’attention sur le volet “économie” de son utilité, quant la dimension “sociale” de son service aurait mérité d’être justifiée.

L’entreprise, et son management, n’a pas à être complexifiée par le discours, pour recouvrir une réalité déplorable au chapitre des rapports humains que suppose son service au client. Rapports humains qui ne peuvent que commencer dans l’entreprise, au niveau de son propre personnel, avec qui entretenir des relations moins ambiguës.