Zak (2017) cite Peter F. Drucker qui dit : « Focusser sur les faiblesses de l’employé pour le superviseur, comme le veut le régime d’évaluation à la tâche, détruit l’intégrité de la relation qu’il a avec lui ». En lieu et place, Drucker préconisait, in The Effective Executive (1967), une formule d’évaluation dite « d’ouverture », fondée « sur l’avenir », par potentiel développé, plutôt que sur le passé, par résultat atteint.
Nombre de dirigeants refuseront de payer pour autre chose que ce qui aura été rendu, par le personnel, comme résultat de tâche assignée au sein de leur entreprise. Pire, à l’embauche dudit personnel, tout aura été présenté au futur employé, au chapitre de l’activité et des affaires de l’entreprise, comme un objectif de travail, et donc comme un résultat de tâche à atteindre. Ce qui n’empêchera pas l’employeur, d’entrée de jeu, de « proposer » au candidat à l’embauche de le payer sur la base de ses antécédents d’emploi ailleurs que chez lui.
En somme, l’entreprise sera considérée, par l’employeur, comme un projet en devenir (par projection de résultat sur l’avenir de son activité et de ses affaires), alors que la proposition de rémunération au candidat à l’embauche, elle, sera établie sur la base d’un rendu de travail antérieur (par retour sur un résultat conditionné par un contexte d’emploi autre).
La dissonance ne peut être plus évidente. Comme l’injustice, d’ailleurs, plus manifeste.
Être embauché pour son potentiel de contribution future au développement de l’activité et des affaires de l’entreprise nouvelle, et être payé pour son résultat de travail chez l’entreprise précédente.
C’est comme proposer à un investisseur d’acheter une valeur mobilière au prix de capitalisation gonflée de demain, pour être payé en dividende déprécié d’hier. Sauf erreur, ce que « l’investisseur intelligent » (Graham. 1991) achète ce sont les « cash flow » à venir, et non pas les « encaisses » (voire les décaissements) précédentes de l’entreprise.
Non seulement les entreprises sous-estiment-elles leurs employés à l’embauche, en termes de salaire « proposé » (imposé semblerait plus juste), mais elles les sous-classent, par la suite, dès lors qu’elles déprécient leur potentiel en focussant sur leurs limites plutôt que sur leurs capacités.
La performance à la tâche, diront Anderson et Anderson (2010), n’est rient d’autre que les produit des habiletés multipliées par l’état d’esprit. Or, à l’embauche, du moins si les choses suivent un cours normal, les habiletés des candidats au travail sont jugées, admises et appropriées. Ce qui l’est moins, c’est l’état d’esprit au travail, lequel ne peut être défini d’avance (quels que soient les tests d’aptitudes psychologiques sur lesquels on se rabat pour évaluer les comportements possibles – non pas inévitablement probables – des personnes). La « performance en emploi » est un jugement porté sur le rendu du travail, qui tient (doit tenir) compte des inhibiteurs et des accélérateurs d’engagement des personnes… inhérents au contexte du travail ET aux conditions générales d’exécution de la tâche.
L’entreprise qui sait juger de la « performance en emploi » ne mesure pas des personnes, à travers leurs décisions et leurs actes, mais un contexte ET des conditions de travail. Le problème, dans la quasi-totalité des entreprises, c’est que tous les indicateurs de mesure du rendement sur la tâche sont centrés sur le résultat des décisions et des actes, alors que ce dernier dépende d’abord du contexte ET des conditions du travail du personnel.
Chez vous, en entreprise, on « mesure des personnes » ou on « mesure un contexte ET des conditions de travail »? Et pour les dures de la feuille, « on mesure le personnel » ou « on mesure la direction et la supervision »?